mardi 8 février 2011

Habiter

« Voilà ce qu’on désire : habiter au sein des vagues
Et n’avoir pas d’attaches dans le temps. »

Ces deux vers de Rilke me font réfléchir que mes difficultés à élire un lieu traduisent mon angoisse face à la mécanique inéluctable du temps qui passe.
Xavier Bazot, Où habiter ? Où écrire ? in remue.net

samedi 5 février 2011

Extrait du cahier Des mots, des mots, des mots

Extrait du cahier Des mots, des mots, des mots

Quand on s’occupe d’un enfant (j’ai passé la soirée à garder Swann, 1 an), on se sent responsable.

(En effet, dans la vie, je me sens peu responsable : responsable de petites choses du quotidien, au quart responsable de la gestion de ma maison gérée par quatre personnes, plus ou moins responsable des personnes du Taillis Vert, responsable des quatre ou cinq élèves que je suis, responsable de La Pierre qui Roule avec ses trois ou quatre auteurs, plus ou moins responsable de mes petits frères (Régis et Steve même s’ils sont en voyage ou à l’étranger, Hamidou à Bamako, Souleymane au Burkina) qu’ils soient de sang, de village ou de cœur – je n’ai pas de sœur. Je suis plus ou moins responsable de mes amis (suis très mauvais pour prendre des nouvelles, ils et elles sont parfois meilleurs que moi).
Très peu responsable en somme, selon les normes : ni femme ni enfant - sic.
Dans tout ça, je suis officiellement en voyage par rapport aux passeurs mais au sein desquels je suis juridiquement responsable et j’ai participé activement – du moins en présence malgré mon statut de voyageur – aux réunions, aux rendez-vous politiques, aux quelques AG.
Dans tout ça, je suis en crise par rapport à mes engagements envers le collectif trans-pédé-gouines-Freaks complotent de Saint-Etienne, mais toutefois responsable de devoir leur dire ce que je ressens.
De la même façon, je suis responsable de devoir dire ce que je ressens : une immense lassitude de ces trajets à Grenoble (pas moins d’une dizaine en 2010 dont plus de six pour les passeurs, quatre heures de route pour quelques heures de réunion) où je viens essentiellement pour des réus ou pour La Pierre qui Roule, et que je n’ai plus la prétention de coupler avec une nuit chez des amis ou un verre avec les copines, au mieux j’en profite pour quelques courses citadines pour la maison – il m’est impossible de gérer plus d’une manière efficace et responsable, sinon cela laisse tout le monde insatisfait et l’on m’en veut.
Je n’ai pas parlé d’écriture. Depuis la nouvelle de l’automne 2009 (la Boîte Damasquinée), et depuis le journal d’hiver 2010 (Mots divers et d’autres lieux, heureusement publié), j’écris fort peu. Pourtant, en même temps que je compose ce mail, je reprends le travail sur Mitsou – c’est bon signe.
Voici, je fais une crise de responsabilité, de mes irresponsabilités, de mon manque de responsabilité, de mes engagements divers que je n’honore plus vraiment parce que la somme semble vaine et floue. Je ne songe pas, pourtant, à arrêter les passeurs : les réflexions en cours me passionnent, les actions me semblent nécessaires. Je veux simplement bénéficier vraiment du voyage que j’ai formalisé il y a un an et demi.
Mars me verra à Grenoble pour placer les bouquins d’Ernest – pas avant. Et si jamais une réunion avait lieu à ce moment-là, cela me dirait peut-être. Pas avant.
D'ici là, j'ai besoin de retrouver mes amis.

vendredi 4 février 2011

Revues et autres lettres

Internet permet d'écrire, rend possible d'étranges revues, des blogs improbables (lus, pourtant, à travers le monde de façon plus improbable encore).
Je ne sais pas, moi, ce qu'Internet change à mon écriture (voir la revue remue.net, à part de toucher sans le bien savoir des lecteurs, qui me font des retours ou non. Quinze à trente lecteur-rices par semaine (je m'en étonne) qui lisent d'une dizaine à une cinquantaine de pages (ce qui m'étonne encore plus). Internet, et les blogs, permettent me semble-t-il d'être simplement écrivain (ou écrivant, personne relativement dévouée à l'écriture, selon la définition de Hervé Guibert). L'autorisation d'être un écrivain dans cette définition : une personne qui écrit.

remue.net
Ce qu'Internet change à votre écriture

Anthony Poirardeau, Internet me fait écrire, remue.net
" Internet me permet d’être débutant, d’être à une position entre rien que littérairement j’étais sans blog et quelque chose que je voulais maladivement être et que je n’essayais même pas d’être par peur de l’échec, et de la révélation de nullité qui aurait pu résulter de la tentative. Rien et quelque chose n’ayant de sens que dans cette situation mentale flippée d’idéalisation et de sacralisation de l’écrit littéraire, situation que m’a justement permis d’invalider pour moi-même le fait d’écrire des textes à mettre en ligne sur internet."


Ce qui secret

Dans cette revue, travaillant sur le thème Maintenant le oui :

Eric Pessan écrit...
Anne Kawala dessine des graphiques aux étranges perspectives...
Régis Guigand poétise ses doutes et ses certitudes :
Nous sommes
rien
et encore capable de le dire.


Ou encore
St Loup secret & lies, ce blog qui nous offre des citations hebdomadaires ou bimensuelles, comme un éphéméride des humeurs et des lectures d'un homme inconnu et énigmatique qui deviendrait presque un ami virtuel... J'y retrouve avec plaisir mes propres lectures : Marguerite Yourcenar (" Il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin."), Duras (" Elle dit: De tout, d’un vol d’oiseau de nuit, d’un sommeil, d’un rêve de sommeil, de l’approche de la mort, d’un mot, d’un crime, de soi, de soi-même, soudain sans savoir comment." ), de Michaël Cunningham...

Et aussi les notes gay de Thomas Querqy, chroniques sur l'art, la politique, les voyages, les photographies. Chronique personnelle d'un citadin, très exotique depuis ma campagne où je le lis régulièrement, qui me tient au courant, d'une plume charmante, de "ce qui se fait".

Internet fait des liens étranges, une toile d'araignée dont on ne sait plus où elle est, ni l'araignée, ni sa toile...

Ecrivant

Oui, Internet permet me semble-t-il d'être simplement écrivain (ou écrivant, personne relativement dévouée à l'écriture, selon la définition de Guibert). L'autorisation d'être un écrivain dans cette définition : une personne qui écrit, finalement sans autre but que cela même. Car faut-il être lu pour être un écrivain ?


Hervé Guibert, Le Mausolée des amants

" Quand écrivez-vous ?
- Pas tout le temps.
- Alors vous n'êtes pas écrivain ?
- Je suis écrivain comme l'animal venimeux pique de temps à autre, quand on le provoque, quand on lui marche dessus, quand on l'attire."


" L'écriture serait une même force qui se distribuerait, à travers les siècles, en s'immisçant dans quelques corps favorables, qui ne seraient que des relais au projet général de l'écriture, à cette trace monumentale infiniment constituée. Ainsi, moi-même (sans me comparer à Goethe ou à Kafka) mais en qualité d'écrivant, d'homme relativement dévoué à l'écriture, je pourrais imaginer que ce que j'ai pu faire de cette écriture, tant bien que mal, sera un jour assimilé par un autre corps favorable, qui l'apportera plus loin (je suis par avance amoureux de ce corps-là), il y aurait un fantasme d'insémination, d'enfantement : mettre vingt ans après sa mort, un sièclme après sa mort, un fantasme d'écriture dans un corps étranger. "

" Ne surtout pas s'effrayer du temps mort, car il est comme une recharge sur batterie. "