Deux aiguillées de fil vert, brodées aujourd’hui sur Frühjahrmüdigkeit, alors que Silence et Labeur sont terminés (et ont été présentés pour Un Temps à Ponsard), et que Délimiter n’avance pas.
C’est bien le faire qui m’intéresse : le temps de cette écriture brodée, lettre après lettre, et encore, pas forcément dans l’ordre ; ce temps qui dure (45 à 90 min./lettre) pour écrire un mot qu’on connaît d’avance. Sans surprise. Car c’est bien de l’écriture dont il s’agit, même si en l’occurrence elle est brodée.
Dès la première pièce, Labeur, c’est la question du travail qui s’est posée :
« Le travail, ce peut être aussi broder les lettres du mot même au fil de soie perlée. Et écrire/ l’écriture travaille de façon similaire : point par point, mot après mot, dérouler le fil précieux, élucider ce qu’il brode. »
Dans Silence, c’est une parole chantée par un griot malien (« Difficile est la parole ») que j’ai travaillée dans un rapport graphique entre vide et plein, bruit et silence. Cette pièce, directement liée au romantisme d’une histoire d’amour aujourd’hui terminée dans une grande beauté, est quasi thérapeutique.
Délimiter n’avance pas, mais utilise un autre rapport au fil. On pourra dire, si je parviens à la terminer, que c’est la pièce la plus brodée.
Ce temps de réalisation, ce labeur de broderie, me permet de poser des questions autour du genre et autour du travail. La broderie comme activité féminine pose peut-être moins question (encore que de nombreuses artistes travaillent fil, tissu, tricot, broderie ou tricotin dans des performances de lien social ou de discours politique). Une femme qui brode à ses moments perdus ne ferait que s’occuper dans la plus pure tradition féminine des « travaux d’aiguille » (du moins selon les normes de genre) : un loisir, une distraction, une pratique de salon. Si elle brode pour vivre, c’est donc son activité professionnelle (quoi que ces métiers, mis à part celui de couturier, tendent à disparaître – à part dans l’industrie du luxe et de la haute couture…) et économique.
Pour moi qui suis né de sexe masculin, revendiquer cette activité comme faisant partie intégrante de mon travail, l’écriture – qui ne me fait, de surcroît, pas vivre – c’est aller à l’encontre de ce que mon genre social exige de moi, au rôle qu’on m’assigne : travailler, gagner de l’argent et du pouvoir, construire sa vie sur des exigences sociales et financières et non pas personnelles, en mettant en jeu les principes de compétition, de rendement et de compétitivité qui prévalent dans une société patriarcale et capitaliste.
Moi, j’écris, je brode et je travaille des liens : ce sont là mes principales activités, des pratiques de salon, celles qui me demandent le plus de temps et de travail, celles qui me font vivre.
C’est bien le faire qui m’intéresse : le temps de cette écriture brodée, lettre après lettre, et encore, pas forcément dans l’ordre ; ce temps qui dure (45 à 90 min./lettre) pour écrire un mot qu’on connaît d’avance. Sans surprise. Car c’est bien de l’écriture dont il s’agit, même si en l’occurrence elle est brodée.
« Le travail, ce peut être aussi broder les lettres du mot même au fil de soie perlée. Et écrire/ l’écriture travaille de façon similaire : point par point, mot après mot, dérouler le fil précieux, élucider ce qu’il brode. »
Dans Silence, c’est une parole chantée par un griot malien (« Difficile est la parole ») que j’ai travaillée dans un rapport graphique entre vide et plein, bruit et silence. Cette pièce, directement liée au romantisme d’une histoire d’amour aujourd’hui terminée dans une grande beauté, est quasi thérapeutique.
Délimiter n’avance pas, mais utilise un autre rapport au fil. On pourra dire, si je parviens à la terminer, que c’est la pièce la plus brodée.
Ce temps de réalisation, ce labeur de broderie, me permet de poser des questions autour du genre et autour du travail. La broderie comme activité féminine pose peut-être moins question (encore que de nombreuses artistes travaillent fil, tissu, tricot, broderie ou tricotin dans des performances de lien social ou de discours politique). Une femme qui brode à ses moments perdus ne ferait que s’occuper dans la plus pure tradition féminine des « travaux d’aiguille » (du moins selon les normes de genre) : un loisir, une distraction, une pratique de salon. Si elle brode pour vivre, c’est donc son activité professionnelle (quoi que ces métiers, mis à part celui de couturier, tendent à disparaître – à part dans l’industrie du luxe et de la haute couture…) et économique.
Pour moi qui suis né de sexe masculin, revendiquer cette activité comme faisant partie intégrante de mon travail, l’écriture – qui ne me fait, de surcroît, pas vivre – c’est aller à l’encontre de ce que mon genre social exige de moi, au rôle qu’on m’assigne : travailler, gagner de l’argent et du pouvoir, construire sa vie sur des exigences sociales et financières et non pas personnelles, en mettant en jeu les principes de compétition, de rendement et de compétitivité qui prévalent dans une société patriarcale et capitaliste.
Moi, j’écris, je brode et je travaille des liens : ce sont là mes principales activités, des pratiques de salon, celles qui me demandent le plus de temps et de travail, celles qui me font vivre.
1 commentaire:
Je ne sais si l'analogie de la broderie et de l'écriture est la meilleure car j'ai le souvenir de la virtuosité des dentellières du Puy qui brodaient à toute allure, mécaniquement en discutant.
Quoi qu'il en soit, et tant que tu as un toit et de quoi te nourrir (il semble que tu aies trouvé une nouvelle "Kommunalka") , je ne peux que t'encourager à faire ta dentellière de phrases.
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