dimanche 25 avril 2010

Saint-Chamond 05/04

Saint-Chamond, 5 avril 2010

En entrant dans Saint-Chamond, c’est l’étrange et grise gendarmerie massive, et un panneau publicitaire m’accroche l’œil : Mutuelles présence. Paradoxal slogan pour une ville qui se vide de ses industries et dont la plupart des ouvriers assurés de leur emploi ne le sont plus. La place de la Liberté est plus animée que je ne l’aurais imaginée pour un lundi férié. Le temps est changeant mais il y a de belles éclaircies dans la matinée. De cette place centrale, la ville semble faite de gens qui se connaissent, qui se saluent, qui boivent un café ensemble, et qui blaguent. Saint-Chamond, active et solidaire. C’est le titre que se donne la ville.
Les autres arrivent, me saluent, s’assoient pour qu’on boive un café ensemble et blaguent. En somme, il semble que nous soyons chez nous ici.

Nous allons vers « le site », ces hangars industriels petit à petit vidés. Il y a encore une entreprise qui marche. Le site est entouré de barrières, mais ouvert à un endroit. Les grands hangars et ateliers, hautes halles imposant leur présence, offrent ce spectacle maintenant connu d’une architecture industrielle du début du vingtième siècle, délabrée et rouillée mais toujours belle quoi qu’abandonnée aux corneilles.

Les ateliers se vident de leurs activités et de leurs présences humaines. Partout de grandes et belles halles vides. Dont on ne fait rien pour l’instant. C’est très beau et c’est poignant parce que les signes de vie restent :
Transport Chenet
Pour toute visite
dans le dépôt vous êtes priés
de passer par les bureaux
Les bureaux sont vides aussi, l’immense immeuble étagé de l’administration de Siemens ne sert à rien, tout comme le resto d’entreprise indiqué.
A Saint-Chamond, active et solidaire, c’est la semaine du développement durable. Il y a une affiche annonçant les manifestations liées à cette semaine.

On tombe sur un type qui en reconnaît certains d’entre nous, on se salue, mais l’ambiance est tendue : il nous parle des vols, des trafics de drogue ici la nuit – j’ai l’impression qu’on parle aujourd’hui d’insécurité comme on parle du temps qu’il fait – , des dernières entreprises qui ferment. Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces ateliers ?
_ C’est maintenant que tout ce qui se passe se passe ?
_ Je ne comprends pas.
_ Vous ne comprenez pas ma question ?
_ Je ne comprends pas ce qui se passe.
Certains ateliers sont délocalisés en Roumanie. Les ouvriers d’ici sont licenciés mais on paye quelques gars pour faire les allers-retours. Plus rentable à ce qu’il paraît. C’est sûr que ça paraît aberrant mais les informations sont confuses. Finalement les ateliers seraient rapatriés en France. On ne sait pas, on ne sait pas pourquoi.
Mais le gars se détend et nous aussi. Finalement, on discute.
De voyages. « Ce qu’ils ont fait des docks de Liverpool, c’est magnifique. Des activités culturelles. C’est ça qu’on devrait faire ici. »
De Saint-Chamond. « J’aime bien ma ville mais j’aime pas comment ça a changé. »
Il nous demande quel travail on fait. « Il y avait des milliers de gens qui travaillaient ici, c’était une rûche. »
De l’échec de la démocratie.
Il y a parfois comme de l’émotion : « Du cimetière Saint-Martin, vous dites qu’il y a une belle vue du site ? Vous avez peut-être raison. »
Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces hangars ?
On ne sait pas, on ne sait pas pourquoi. On ne pourra pas rentrer dans la halle où il bricole.
« Vous reviendrez un jour ouvrable. Avant que ça ferme ! »

Il y a, entre deux halles, un graff coloré, un seul, qui dit que le lieu n’est pas mort mais déjà réinvesti d’autre chose, d’autres présences : I don’t know whaï. Quelqu’un qui a tout compris et a su écrire seulement ce que tout le monde pense. Pour moi, c’est souvent cela, le graff délivrant un message (souvent politique ?) : pertinent dans son temps, dans son lieu, une poétique de l’ici et maintenant.

La Braderie 2001, dans la rue qui nous ramène à la place de la Liberté, est fermée depuis belle lurette. Elle n’aura pas survécu aux années 10, à moins qu’elle ait fermé avant… Quant à la Liberté…Les cafés ont fermé et la place est vide.