vendredi 11 décembre 2009

Courrier

J’avais bien senti, à la lecture de sa lettre, qu’il l’avait écrite dans un moment d’agacement, de rancœur et de méfiance. Mon intuition était telle que je me suis senti énervé, offusqué, trahi, méprisé et méprisant de tant de méprisable petitesse, et que, palpitant et nerveux, j’écrivais déjà dans ma tête une réponse hautaine, acerbe et méchante pour me venger encore plus cruellement de sa rancœur et de sa méfiance.
Mais, puisque ce que je sentais était purement intuitif, qu’aucun de ses mots n’était vraiment cruel, et que mon sentiment était peut-être injuste ou paranoïaque et peu valable, j’ai voulu faire lire sa lettre à deux personnes de confiance, qui me dirent que j’étais effectivement trop susceptible ; que rien dans la lettre n’était méchant ou agressif ; qu’elle était au contraire calme, claire et limpide, objective et sans affect ; et que j’avais tort de mettre de l’émotion là où il n’y en avait pas. Pourtant, quand il m’appela pour parler de ce courrier, il m’avoua l’avoir réécrit six fois pour tempérer sa rancœur et son agressivité, mais qu’il l’avait effectivement écrit dans un moment de doute, de lassitude et de méfiance, et qu’il savait par avance que je le prendrais mal et que cette lettre me ferait souffrir, mais qu’il avait tout de même la nécessité d’exprimer ses sentiments de la sorte pour qu’ils soient entendus.

Le plus agaçant pour moi est d’avoir senti tout cela et de n’avoir pas eu suffisamment de confiance en mon intuition première, qui était pourtant juste.

mercredi 9 décembre 2009

Crépuscules

Que faire d’un texte magnifique renié par la personne qui l’avait plus ou moins commandité ?
Ce texte, dont les rares lecteurs me parlent encore, me disant qu’ils n’ont plus retrouvé jamais dans mes écrits la même poésie, est sans doute le plus beau que j‘aie encore écrit. Mais que faire d’un texte avorté ainsi et qui reste convalescent, informe, débile (au sens classique : faible et sans force) ?
J’imagine parfois en faire une édition somptueuse, peut-être manuscrite, ou un tirage extrêmement limité et outrageusement luxueux (un papier d’Arches ivoire, avec une gravure originale, dans un emboîtage en cuir fin ?), un ouvrage de bibliophile maniaque de la rareté, pour réparer l’affront fait à ce texte et venger son honneur…

Le projet Entre chien et loup (2005-2008 avec Olivier Pique) se transforme : la Rhapsodie au crépuscule, à travers un long œuvre au noir, continue d'être en cours... (2009-2012)

Un silence isolé du monde ?

Certains m’imaginent, ici en vacances, ou isolé du monde… C’est drôle. J’ai plutôt l’impression que c’est le monde qui m’isole et qui m’oublie, qui me permet de l’oublier, et c’est assez agréable et reposant… Et, vivant avec une dizaine de personnes, dans une campagne certes silencieuse (ou presque), dans une maison régulièrement accueillante pour qui vient d’ailleurs, comment me sentirais-je isolé ? Comment parler d’isolement, de retraite, dans ce monde en réseau, en réseaux ? Comment être isolé aujourd’hui avec le courrier postal, la radio, le téléphone, Internet ?
Parlons blog. C’est un monde hallucinant – et pourtant je le connais fort peu – à géographie aléatoire, affective, sans frontière, me semble-t-il… Ce sont, partout (ici !), des livres qui s’écrivent au quotidien, aux quotidiens (ou non) de leurs auteurs : des livres qui se donnent à lire en même temps qu’ils s’écrivent. On passe de l’un à l’autre sans limite et si je rends visite à mes blogs amis : Thomas Querqy et le florilège de citations de Saint-Loup, je passe à la découverte de Nicolas Ravière et au graphisme de "J'ai flané pour vous", je passe à la photographie avec cette étrange Shooting Gallery 365, le travail de Heriberto Aguirre qui m'amène à celui d'Antoine … C’est vertigineux. Vérifiant parfois combien de lecteurs viennent me lire ici, je suis toujours surpris : qui pouvez-vous bien être ? Par où êtes-vous arrivés ici ?

Mais c’est là la magie vertigineuse de la Toile : si je fais une recherche sur le photographe espagnol Garcia-Alix, je découvre ces images...
Si je cherche des images de Malick Sidibé, je vais tomber sur les portraits d’Antoine Tempé et sur le travail de Alioune Bâ.
Si je me documente sur Brassaï, j’apprends l’existence historique du Bal des Quat’zArts et du Bal du Magic-City – ce qui me fait dire qu’on a tout de même bien perdu en liberté des corps – et du personnage incroyable de Barbette, ce qui me ramène à Man Ray…
Bref, avec Internet, ses blogs, ses images, ses textes, le monde entier ou presque est à la portée d’anonymes autodidactes.

Hélas, j’ai appris qu’un ami, après avoir tenu ce type de journal internautique qu’est le blog, pendant deux ans, l’avait supprimé. Le résultat est qu’il n’est plus en ligne mais, pour moi, cela veut dire qu’un livre a disparu : un livre inachevé qui se lisait au moment même où il se faisait a été définitivement autodafé. Et ce supplice par le feu est même plus violent, car avec la Toile, pas besoin de feu, aucun spectacle, nul espoir qu’un exemplaire soit sauvé par un bibliophile aussi résistant qu’affolé : il suffit d’un clic, il n’y eut qu’un déclic. Le vertige formidable (au sens classique du terme : redoutable) me semble devenir un cauchemar (mais peut-être les fichiers existent-ils encore quelque part ?).
Je ne pense pas qu’on ait encore pleinement conscience de la révolution que ce réseau informatif a sur le cours du monde : Internet est ce qu’on en fait. Ce qui laisse tout de même pas mal de liberté. Du moins pour l’esprit.
J’en reste flou.

jeudi 12 novembre 2009

Édition numérique

Pour le plaisir de vous offrir
Actualiser (Le Carnet bleu)
une courte nouvelle qui n'existera pour l'instant
qu'en édition numérique.


A télécharger ici
(Il vous suffit d'avoir un compte)

En cas de difficulté,
il vous suffit de la demander à lapierre.quiroule@yahoo.fr

et nous vous l'enverrons sur votre boîte de courriel...



mardi 3 novembre 2009

22 bis, suite et fin...

22 bis rue Ponsard & 40 rue Monge
Derniers trucs à déménager, une zone de gratuité samedi où sont passés amis et voisins, avons sorti les bulbes des plates-bandes du jardin Ponsard : tulipes, crocus... qui continueront leur vie dans un autre lieu... "D'un jardin l'autre" a dit Kat.
Nous avons l'honneur de vous annoncer la fermeture définitive de ces deux maisons des passeurs-Grenoble, avant destruction. Un film de Joan



lundi 26 octobre 2009



Énervement
de voir que ce blog joue avec la typo sans moi.

Grand plaisir à vivre plein de choses à la campagne avec de chouettes voisins.

Très chouettes (encore) ateliers d'écriture avec le café-lecture Le Remue-Méninges lors de la Fête du Livre de Saint-Etienne.

Rencontré physiquement des bloggers avec qui discuter et penser de façon très intéressante.

Pensée très intéressante aussi de Miguel Benasayag et Angélique Del Rey pour leur livre La Chasse aux enfants avec RESF.

Grenoble pour fermer les deux maisons des passeurs : Monge et Ponsard.

Désolé de tous ces liens ! :)

jeudi 22 octobre 2009

La Chambre blanche

Et c'est fou comme je travaille dans cette chambre blanche, alternant avec le bureau de la grande salle... et agréablement distrait par les travaux collectifs, ou les soins données à la basse-cour.

lundi 19 octobre 2009

Un hexamètre et demi



J’aime la difficulté des lieux où il est nécessaire d’être,
où il est urgent d’exister.

Extrait de Mots divers et d'autres lieux ~ Journal d'hiver 2009-2010



Le projet Entre chien et loup (2005-2008 avec Olivier Pique) se transforme : la Rhapsodie au crépuscule, à travers un long œuvre au noir, continue d'être en cours... (2009-2012)

Palimpsestes

Deux aiguillées de fil vert, brodées aujourd’hui sur Frühjahrmüdigkeit, alors que Silence et Labeur sont terminés (et ont été présentés pour Un Temps à Ponsard), et que Délimiter n’avance pas.
C’est bien le faire qui m’intéresse : le temps de cette écriture brodée, lettre après lettre, et encore, pas forcément dans l’ordre ; ce temps qui dure (45 à 90 min./lettre) pour écrire un mot qu’on connaît d’avance. Sans surprise. Car c’est bien de l’écriture dont il s’agit, même si en l’occurrence elle est brodée.

















Dès la première pièce, Labeur, c’est la question du travail qui s’est posée :
« Le travail, ce peut être aussi broder les lettres du mot même au fil de soie perlée. Et écrire/ l’écriture travaille de façon similaire : point par point, mot après mot, dérouler le fil précieux, élucider ce qu’il brode. »
Dans Silence, c’est une parole chantée par un griot malien (« Difficile est la parole ») que j’ai travaillée dans un rapport graphique entre vide et plein, bruit et silence. Cette pièce, directement liée au romantisme d’une histoire d’amour aujourd’hui terminée dans une grande beauté, est quasi thérapeutique.
Délimiter n’avance pas, mais utilise un autre rapport au fil. On pourra dire, si je parviens à la terminer, que c’est la pièce la plus brodée.

Ce temps de réalisation, ce labeur de broderie, me permet de poser des questions autour du genre et autour du travail. La broderie comme activité féminine pose peut-être moins question (encore que de nombreuses artistes travaillent fil, tissu, tricot, broderie ou tricotin dans des performances de lien social ou de discours politique). Une femme qui brode à ses moments perdus ne ferait que s’occuper dans la plus pure tradition féminine des « travaux d’aiguille » (du moins selon les normes de genre) : un loisir, une distraction, une pratique de salon. Si elle brode pour vivre, c’est donc son activité professionnelle (quoi que ces métiers, mis à part celui de couturier, tendent à disparaître – à part dans l’industrie du luxe et de la haute couture…) et économique.

Pour moi qui suis né de sexe masculin, revendiquer cette activité comme faisant partie intégrante de mon travail, l’écriture – qui ne me fait, de surcroît, pas vivre – c’est aller à l’encontre de ce que mon genre social exige de moi, au rôle qu’on m’assigne : travailler, gagner de l’argent et du pouvoir, construire sa vie sur des exigences sociales et financières et non pas personnelles, en mettant en jeu les principes de compétition, de rendement et de compétitivité qui prévalent dans une société patriarcale et capitaliste.
Moi, j’écris, je brode et je travaille des liens : ce sont là mes principales activités, des pratiques de salon, celles qui me demandent le plus de temps et de travail, celles qui me font vivre.

Une phrase

Je peux toujours dire les choses dans un sens différent.

mercredi 7 octobre 2009

Crépuscule - Nuit - Aurore

Ce rythme quotidien, ces moments vécus chaque jour, et chaque fois différents, continuent à m’occuper. Un texte sur le crépuscule était déjà en travail de 2005 à 2008, puis mis en jachère l’automne précédent, et il ressurgit étrangement ces temps-ci. J’espère, je l’ai dit, en faire une édition limitée et précieuse.
Il fera peut-être un triptyque, asymétrique et sans lien de ton ni de forme (ni dans l’écriture ni dans l’objet mis en page), avec un texte sur le monde de la nuit, et un projet, encore vague mais qui point à l’Orient, sur l’aurore et le lendemain.
Peut-être est-ce une manière de trouver un fil, de dérouler la suite du texte convalescent.



Le projet Entre chien et loup (2005-2008 avec Olivier Pique) se transforme : la Rhapsodie au crépuscule, à travers un long œuvre au noir, continue d'être en cours... (2009-2012)

mardi 15 septembre 2009

Lignes de fuite

Extrait de Rupture – Replacer l’émancipation dans une perspective sécessionniste par Simon, brochure éditée en juillet 2006

« Dans l’univers des dispositifs de pouvoir, dans ce monde tellement blindé de rôles et de rapports qu’il n’en finit pas de mourir, l’émancipation ne se pose pas comme un programme, un projet alternatif, mais comme une perspective, une ligne : la ligne de fuite.

Le concept de ligne de fuite a été élaboré par Félix Guattari et Gilles Deleuze. Ils distinguent pour cela au sein de nos vies trois types de lignes : la ligne dure, la ligne souple et la ligne de fuite. Les lignes dures sont celles des dispositifs de pouvoir. Tant que nous restons sous contrôle, nous nous contentons de passer d’un segment dur à l’autre : de l’école à l’université, puis au salariat et enfin la retraite. Les lignes dures nous promettent un « avenir », une carrière, une famille, une destinée à remplir, une vocation à réaliser.

Les lignes souples sont différentes mais voguent autour des lignes dures sans les remettre en question : histoires de familles, désirs cachés, rêverie pendant les cours, vilain petit secret, discussions à voix basse autour de la machine à café, micro-politique. Ce sont ces liens qui s’immiscent même au cœur d’un univers de rapports, ces petits refus de respecter le règlement ou le code de la route, ces grèves ponctuelles, ces cours séchés. D’un passage par une ligne souple tu reviens rapidement sur la ligne dure : tout rentre dans l’ordre.

Et enfin il y a les lignes de fuite, et de celles-ci nous ne revenons jamais au même endroit. « Une vraie rupture est quelque chose sur quoi on ne peut pas revenir, qui est irrémissible parce qu’elle fait que le passé a cessé d’exister » (Deleuze et Guattari citant Fitzgerald dans Mille Plateaux). Les lignes de fuite ne définissent pas un avenir mais un devenir. Il n’y a pas de programme, pas de plan de carrière possible lorsque nous sommes sur une ligne de fuite. « On est devenu soi-même imperceptible et clandestin dans un voyage immobile. Plus rien ne peut se passer ni s’être passé. Plus personne ne peut rien pour moi ni contre moi. Mes territoires sont hors de prise, et pas parce qu’ils sont imaginaires, au contraire, parce que je suis en train de les tracer. » (Mille plateaux)

« Nous devons inventer nos lignes de fuite si nous en sommes capables, et nous ne pouvons les inventer qu’en les traçant effectivement, dans la vie » (ibidem). La destination est inconnue, imprévisible. C’est un devenir, un processus incontrôlable. C’est notre ligne d’émancipation, de libération. Elle est le contraire du destin ou de la carrière. Et c’est sur une telle ligne que je peux enfin me sentir vivre, me sentir libre.

Un temps à Ponsard

Grenoble
22 bis, rue Ponsard*
Durant huit mois, la maison Ponsard a été chahutée par la vie et les rencontres.
Deux soirées et un rendez-vous rassemblent les personnes qui ont nourri ces espaces.

SAMEDI 26 SEPTEMBRE A PARTIR DE 20H

Peinture pariétale no 986341
atelier 2009 de Fred Helle
avec duo de musique soudaine
composé d’Anne-Laure Pigache (voix) et de Vincent Copier (batterie – percussions)



Projection de mis(e) en pièces
Installation de louise catherine drève
février 2009 au Brise Glace

La chambre de David et Jonathan
Prises de vue à Ponsard
photographies de Marion Massip

Bureau nomade et provisoire (4)
Alexis Garandeau et éditions La Pierre qui Roule

Vider les lieux
Prises de vue au Brise Glace
Photographies de Yann Montigné

DIMANCHE 27 SEPTEMBRE A PARTIR DE 19 H

Installation de mots
Laëtitia Bischoff

jardin en camisole
une tentative à Ponsard
lecture du journal et installation en cours de louise catherine drève

Peinture pariétale no 986341
atelier 2009 de Fred Helle

La chambre de David et Jonathan
Prises de vue à Ponsard
photographies de Marion Massip
Bureau nomade et provisoire (4)
Alexis Garandeau et éditions La Pierre qui Roule
Vider les lieux
Prises de vue au Brise Glace mars 2009
Photographies de Yann Montigné
20 ans de cendres
Projection et photographies de Yann Montigné

Projection de mis(e) en pièces
Installation de louise catherine drève
février 2009 au Brise Glace

LE KIT DE PASSE :
>> Amener
>> Bougies, bougeoir ou coupelle,
>> Goûter, grignoter, déguster,
>> Boire, fumer, discuter

* Pour les primo-arrivants :
Le 22 bis, rue Ponsard se situe entre l'arrêt de tram Mounier et l'arrêt MC2, à l'angle entre l'avenue Marcelin Berthelot et la rue Ponsard, ouvrez le portail blanc en soulevant la clenche...

jeudi 10 septembre 2009

Il est étrange de s'endormir pour la troisième nuit dans une chambre blanche et nue, vide à part un lit très haut, une table ovale et un banc raide,
en pressentant que cette chambre a toutes les chances d'être sienne pendant les mois qui suivent...

Citations

Nous plantons des fleurs
pour ne pas
sombrer

Jong N.Woo, Le Retour du Temps
Editions Le Verbe et l'Empreinte - Marc Pessin



Ne me dis pas que mon amour était
lune
Il était étincelle

Adonis, Miroirs
Editions Le Verbe et l'Empreinte - Marc Pessin




lundi 24 août 2009

Le Drame

Daniel Mendelsohn, dans L’Étreinte fugitive (Éd. Flammarion) :

Il y a tant de tragédies dont les protagonistes sont extraordinairement jeunes. (…) Tous, pour l’essentiel, sont des adolescents. L’extrême jeunesse de ces héros et l’âge plus mûr des adversaires qui cherchent à contrecarrer leurs desseins indiquent qu’un autre conflit sous-tend la géométrie complexe, dans la tragédie, des principes, de l’action et de l’autodestruction : le conflit entre l’absolutisme féroce de la jeunesse et les compromis nécessaires de la maturité. C’est de la beauté de la jeunesse sacrifiée que nous nous souvenons en sortant du théâtre, la beauté de ceux pour qui il n’y avait au bout du compte pas d’autre possibilité que la mort, que le renoncement à la vie pour son contraire. Le compromis ne peut être tragique ; il ne laisse rien derrière lui dont on puisse se souvenir.

(…) Nous allons voir des tragédies parce que nous avons honte de nos compromis, parce que nous trouvons dans la tragédie la beauté pure de l’absolu, une beauté qu’on ne peut avoir si on choisit de vivre. On ne peut faire une tragédie de la survie. On ne peut écrire une tragédie sur Ismène [comme on en a écrit sur sa sœur Antigone].


Voilà bien le drame : c’est qu’en vieillissant, il faut trouver un compromis ; il faut renoncer, ou du moins nuancer, ses idéaux de jeunesse si l’on choisit de continuer à vivre. Si l’on choisit la vie, il faut se résigner à vieillir et à écrire un drame* plutôt qu’une tragédie. Un drame où les dernières voix seront celles de nos survivants, et non plus une tragédie où le dernier monologue, sublime et effroyable, serait le nôtre avant de mourir. Le choix est d’autant plus difficile, quand on ne sait pas qui des survivants prendra la parole après notre fin.


* Il me semble que le drame, basé sur des histoires interpersonnelles d’amour, de jalousie, de ressentiment, de pouvoir et de survie, soit souvent domestique, familial et « bourgeois ». Le tragique y découle de la réalité humaine, et non plus, comme dans la tragédie, du destin ou dune fatalité. La tragédie, elle, mêle point de vue personnel et politique, sacrifice à son idéal, action et autodestruction : Antigone, faisant le choix personnel d’obéir aux lois du sang, se met en résistance contre les lois de la cité, et son choix devient politique. La tragédie est aristocratique (étymologiquement, aristocratie : le pouvoir aux mains d’une élite, la
chevalerie, la noblesse) car ces jeunes se sacrifient pour de nobles idéaux, parce qu’ils ont un idéal et qu’ils combattent en élite des ennemis qui
contrecarrent leurs desseins
. Le drame ne propose pas d’idéal, ou plutôt il est la somme d’idéaux personnels qui entrent en conflit, mais dont ne peut pas dire que certains soient purs et d’autres mauvais : ils sont tous humains, simplement trop humains, et donc moins idéaux.

lundi 17 août 2009

La Loire (3)

Évidemment, c’était folie de partir sur un coup de tête en direction de La Rochelle sans avoir de nouvelle de G. Et sans savoir, donc, si j’étais le bienvenu. Suis presque à Roanne, il est presque 16 heures et je n’ai pas fait un tiers du trajet. Toujours pas de nouvelle de G. Je ne sais pas ce que je vais faire.



Évidemment, quand on est dans une période où l’on fait tout foirer, il est normal qu’une escapade vers l’Océan tombe à l’eau, que cette envie subite d’y aller, de voir l’Océan et mes amis, soit vouée à l’échec. J’avais déjà, sans le vouloir, tout mis en place pour une grave dispute avec mon meilleur ami ; j’avais raté ma coupe de cheveux en les coupant moi-même, et j’avais fini par tout raser ; j’avais encore perdu l’occasion, à la troisième fois que je le croisais par hasard, de prendre le numéro de téléphone d’un garçon que j’aurais aimé revoir ; et, sans logement à la fin du mois, je ne faisais rien pour en trouver, ou plutôt je gâchais toutes les occasions qui m’étaient données. Alors cette décision sur un coup de tête n’était qu’une folle bêtise de plus : traverser la France dans sa largeur pour honorer l’invitation de deux hôtes très charmants, à laquelle je n’avais d’abord pas donné suite, faute d’argent et par angoisse de perdre trois journées de travail, et me rendre compte, non seulement que je ne travaillais pas, mais encore que j’avais très envie de la grâce offerte par ces garçons. Malgré un appel avant de partir, puis un deuxième message laissé sur la route, il me fut impossible de joindre mes amis, et je me sentis obligé de décider qu’il valait mieux m’arrêter aux 200 kilomètres que je venais de faire, plutôt que d’aller jusqu’à La Rochelle sans savoir si on pouvait toujours m’accueillir.

J’ai donc bifurqué pour aller me baigner dans un lac artificiel, un barrage sur la Loire. Je n’avais réussi, dans ma stupide aventure, qu’à prendre un coup de soleil sur l’épaule gauche et l’avant-bras, du côté de la portière – la chose que je trouve la plus ridicule qui soit. Et j’étais donc revenu, « par hasard », vers la Loire.

J’ai pris une chambre dans un hôtel, type pension de gare de sous-préfecture ; je me suis douché et j’ai soigné mon coup de soleil (sur le nez aussi, histoire de parfaire le ridicule) ; j’ai mis ce que j’avais de plus présentable (un T-shirt froissé) et je suis allé dîner seul. Quitte à être dans une stupide aventure solitaire, autant l’assumer jusqu’au bout. J’étais assis à côté d’une dame (divorcée ?) et d’un jeune homme que j’ai supposé être son fils, qui lui faisait la conversation avec une courtoisie distante, comme j’aurais pu parler à une collègue avec qui je ne serais pas intime. En face de moi, un homme seul qui a pris un menu et une bouteille entière de rosé, qui parlait seul évidemment – je n’en suis pas à ce point du tragique : laisser perdre mots et phrases pour n’avoir personne à qui les donner. Mais presque.

Après avoir bu le café, j’observai un moucheron dans la sous-tasse, dont une patte était peut-être abîmée, qui peinait à faire vainement le tour de la tasse – j’ai cru me voir moi-même.



Et puis, je suis allé voir la Loire. Elle est ici lisse et calme comme un lac peu large. Même les nuages les plus légers, aux nuances les plus subtiles, s’y reflètent parfaitement. La ville aussi, qui se découpe dans le ciel couchant comme une ombre chinoise sans caractéristique. Le pont de Loire est moderne et de grosses araignées y tissent leurs toiles ; c’est l’époque où elles sont nombreuses, au point qu’on ne peut pas s’accouder à la balustrade métallique.

Roanne est une ville sans prétention, mais aux coquetteries d’une petite-bourgeoise : une Chambre du Commerce girondement cossue et pansue, un Petit Théâtre élégant, un Hôtel de Ville d’une raideur obséquieuse et compassée (suspecte ?), un Square “des Promenades Populle” aux inévitables platanes mais avec un bel escalier à double révolution et un kiosque à musique fantaisiste et charmant.

C’est une ville qui paraît être en ruses et faux-semblants de théâtre : dans les rues piétonnes, les corniches XIXe sont jolies, mais semblent n’être que des façades de décor ; dans la ville haute, les trompe-l’œil peints sur les murs sont joyeux, mais les cyprès devant le Tribunal semblent n’en être qu’un de plus, sur cette façade austère mais ocre, essayant de ressembler à quelque chose de méditerranéen. Et la Loire elle-même y est lisse et sage, domestiquée, sans odeur. Rien qui ne puisse me rappeler la rivière sauvage de l’enfance et le fleuve aux amours interdites. Le fleuve lui-même me faisait défaut et je me sentis très seul.



Le lendemain, rentré dans ce qui est ma maison pour quelques jours encore, je recevais, en rallumant le téléphone, un message de G. qui se faisait du souci, m’avait laissé maints messages sur un ancien numéro, et m’assurait qu’il serait très heureux de me voir arriver…


Voir aussi La Loire (1) et La Loire (2)

lundi 10 août 2009

Extrait de discussions

Avec C.
_ Il y a des gens qui sont soit pile, soit face, et qui d'ailleurs me font peur ; nous, je crois qu'on est sur la tranche.

_ Justement, c'est l'endroit d'où l'on peut avoir conscience et du recto et du verso. Contrairement à ceux qui ne sont que d'un côté, et qui ne voient pas le revers de la médaille...

Avec H.
_ Certains matins, je me réveille, et je me demande bien pourquoi.

Un vieux monsieur au téléphone, au café.
_ Tu es chez toi ?... Mais comment veux-tu que je le sache ? Mon téléphone ne fait pas télé !

mardi 7 juillet 2009

Publication : Aux Confins de Pays, d'Aurélye Perrette


Aux Confins de Pays 
D’Aurélye Perrette
Illustré par Frédérique Helle
Editions La Pierre qui Roule, parution le 29 juin 2009
Format 10 X 14,8 cm.
Couverture en couleur sur Rives Tradition, 12 pages intérieures en N&B

4,5 euros
ISBN 978-2-9533211-1-1

«L’écriture me permet de m’épanouir comme une fleur au soleil. J’écris avec le feu au bout des doigts, comme le menuisier affine un meuble sculpté, comme le lierre grimpe à la maison... aux confins des saisons, des pays...»
Aurélye Perrette
Marquée par son destin, elle écrit ses premiers textes poétiques vers 14 ans. Elle n’a cessé de livrer, depuis le point immobile de sa passion, son ouverture au monde et son attention aux humbles secrets et aux bruits de silence.
Les dessins oniriques de Frédérique Helle sont apparus comme une simple évidence, et nous avons pris plaisir à allier leur univers énigmatique et une commune sensibilité.


Les publications des Editions La Pierre qui Roule sont en vente à notre bureau nomade et provisoire (lapierre.quiroule@yahoo.fr), ainsi qu'à :
La Librairie du Magasin - Centre National d'Art Contemporain à Grenoble
La Librairie Bonnes Nouvelles, rue Dominique-Villars à Grenoble



NB. Nouvelle adresse 2015 :
Éditions La Pierre qui Roule - Alexis Garandeau
Maison de Dinomir
14 impasse Saint-Ennemond
42220 Saint-Julien-Molin-Molette

L'adresse mail est toujours : lapierre.quiroule (at) yahoo.fr





vendredi 29 mai 2009

Vanités



 


Hélas ~ tant mieux ? ~, je ne sais à qui je dois cette image ! (4 novembre 2012)

jeudi 28 mai 2009

Broderie

Je me reprends à broder les Palimpsestes. C'était une évidence, déjà contenue dans le nom que j'ai donné à ces pièces de tissu improbables : écrire de nouveau par-dessus.
Et cette activité (broder des mots), lente, calme, fastidieuse tout en étant gratuite (l'ornement) me met dans une mécanique d'écriture, nécessaire, je le sais maintenant, à la naissance d'un texte que je ne fais pour l'instant que pressentir.
La structure qu'on imagine dans le fil ne fait que se déstructurer : un fil, c'est souple, glissant, cassant.

Atelier-bureau : 22 bis rue Ponsard


Photographie extraite de "Petit Palais", par Antoine Stephani
Livre de photos d'Antoine Stephani et (très beau texte) texte de François Bon

Cliquer sur la photo vous emmène sur le site du photographe

Tous les jours, ou quasi, je sors de la maison et je prends le bus 26 avec les étudiants, et les gens de la cité Saint-Augustin et du quartier Teyssère. Les transports en communs font partie intégrante de mon travail. Comment et pourquoi, je ne sauarais le dire. Je descends à la Villeneuve et je marche jusqu'à la rue Ponsard, où j'ai mon atelier-bureau, en collectif avec les passeurs. Tous les jours ou quasi, je passe un temps dans cette maison vide, vacante, disponible, et c'est ce vide et cette disponibilité qui me permet de travailler.
Certains jours, je m'y rends à vélo : j'ai trouvé un raccourci qui passe, entre les jardins des villas, les terrains vagues et les stades sous le soleil, pratiquement des Taillées à la Bajatière. Puis c'est une piste mal bitumée et des trottoirs qui m'amènent à la rue P.
Au bout de la rue : un Petit Palais Vacant.
On y pense, on y crée, on y travaille. Tous les 15 jours, on y enchaîne un déjeuner entre cohabitantes, une séance de travail des passeurs, un re-debrieffing entre cohabitants et un atelier vélo avec un verre de vin rouge. Si je raconte ma journée de travail, épuisé de ces longues réunions, on me regarde, l'air de dire : c'est cool, tes journées de travail, c'est comme des vacances.
De la vacance, précisément. C'est mon travail aussi.

Interstice

Je vous livre une citation que Julia m'a envoyé, et dont la pertinence me saisit à bien des égards...
"Il existe une différence entre ce que l'on voit et ce que l'on écrit et un rapport entre le voir et l'écriture du voir qui est celui d'un écart, d'un «entre-deux», d'un interstice, d'un intervalle, bref d'une interprétation.

C'est la curiosité de l'
«entre-deux» qui est susceptible d'éveiller un certain nombre de vocations : écrivains, ethnologues, traducteurs, interprètes qui sont des intermédiaires, des voyageurs et des passeurs d'une rive à l'autre."

Je vais m'installer, légèrement, pour habiter un temps dans mon atelier-bureau, dans cette maison contractualisée par les passeurs pour le temps de sa vacance...

Sur l'association les passeurs

Photographie Heriberto Aguirre





mercredi 20 mai 2009

Pas le temps d'écrire, ni vraiment de publier ici

Projet -vague- d'un livre sur l'errance... Du coup, cette écriture me demande de me replonger dans cette errance qui a fait longtemps ma vie, et qui la fait peut-être encore...
Me revoici en promenade dans des quartiers inconnus, me revoici sur la route, ici ou là-bas. Me revoici en visite, ailleurs. Me voilà me baignant dans une rivière glacée (affluent de la Loire ?). Me revoici roulant dans la chaleur, les blés et les foins miroitent au vent.

Peu de moment pour me connecter, peu de choses encore restituables, à part ces scanns de mon cahier rouge, presque fini, ces extraits de presse qui ne trouvent pas place dans le Pense-Bête. Je m'étonne donc de vous trouver lecteurs réguliers, silencieux, anonymes.

Et revoilà l'odeur de plastique chaud des bus de région, les sandwichs trop chers des gares routières, les rencontres improbables et celles que je ne sais pas saisir.
Et le besoin de silence, de larguer les amarres, de ne surtout pas être saisissable, d'être indisponible sauf à moi-même et au chemin que je fais.

Extrait de presse


Extrait de presse


mercredi 1 avril 2009

Mini livre hors commerce

J'imagine que Mexico...
Petits mots échangés entre amis
d'Alexis Garandeau

Editions La Pierre qui Roule, 3 exemplaires hors commerce

mercredi 18 mars 2009

Dictionnaire

Frühjahrmüdigkeit
ou "Fatigue de printemps"

C'est Julia qui m'a appris ce mot, et m'a lancé la question qu'elle travaille :

"C'est quoi, l'architecture d'une rencontre ?"



mardi 10 mars 2009

Ginkgo






Basée à Hong Kong, Ginkgo Consulting Ltd est une société de conseil, formation, évaluation et recherche sur la gestion de l'eau, de l'environnement et du développement.
Voici les déclinaisons du logo qui m'a été commandé.

mercredi 4 mars 2009

Objets

petits moutons
tricotins
Un chapeau avec une plume de perdrix (atelier)
Un pagne bleu (lessive)
Le dossier jaune (réunion)

Ecouter James Brown comme antidote
Et cherche une recette de gâteau :
Rotweinkuche
ou Gâteau Reine de Saba





dimanche 1 mars 2009

6

6 – Soung / LE CONFLIT
L’essentiel, dans le conflit, est de ne pas se laisser faire, mais sans pour autant tomber dans les chamailleries habituelles.
Le conflit prive toute action de bases solides. Le ciel et l’eau vont en sens inverse l’un de l’autre. Quelque chose de nouveau se prépare. Ne quittez pas le groupe, quoique parmi de nombreuses personnes qui mangent et boivent ensemble les querelles soient inévitables. Pour vous ne s’ouvre pas une période de paix. De nombreuses personnes aux idées antagonistes se contredisent les uns aux autres. N’essayez pas de les aider et de les réconcilier. Prenez appui sur ces contradictions pour faire bouger les choses avant d’envisager de nouvelles activités. Toutefois, défendez votre point de vue et voyez ce qu’il en sort.

Yi King
Stephen Karcher, Rivages poche n°247 / Petite Bibliothèque
Editions Payot & Rivages, 1998

10

10 – Liu / LA MARCHE
Trouver son chemin pas à pas. Avoir confiance en sa propre destinée.
Il y a ajointement de deux forces. Le faible talonne le fort, mais ce dernier le prend du bon côté si bien que le contact est joyeux. En haut le ciel, en bas le lac. Trouvez des gens susceptibles de vous aider. Tout le monde doit gagner suffisamment d’argent pour vivre. À vous de trouver la bonne façon d’y parvenir.

Yi King
Stephen Karcher, Rivages poche n°247 / Petite Bibliothèque
Editions Payot & Rivages, 1998

samedi 21 février 2009

Travailler

Mon travail a-t-il moins de valeur s’il est bénévole ? « Cet homme est projectionniste de films depuis son balcon sur la façade située en face de son immeuble. Par passion, il pratique son emploi sans rémunération… » disaient les affiches de FWCorporation qui scandait « Votre travail n’a pas de valeur ». Je ne sais pas. Voir www.freeworker.biz
Le fait est que je travaille (écriture, assos, activités sociales, travail de maison, jardinage) bien que mon statut soit celui de chômeur, demandeur d’emploi et RMIste. Ce « chômage », rappelé à mon esprit par certains de mon entourage, ne nomme en rien mon activité, stimulation de rencontres et recherche de mots, affairé que je suis à tenter des expériences. Et c’est peut-être ce travail d’expériences qui est celui des artistes et qui est le mien.
Il n’y a donc ni horaires, ni hiérarchie, ni contraintes – ou si peu : parfois un texte demandé pour une expo, rarement un concours. Travailler plus pour gagner moins ? Comme n’importe quel-le travailleu-se-r libéral-e, je gère mon travail et mon temps. Être le seul juge de son temps de travail nécessite beaucoup d’efforts et de discipline – celle-ci me manque parfois. N’avoir ni commande ni retour exige une motivation à toute épreuve et un niveau de qualité qui, pour ma part, a besoin de la lecture d’une tierce personne. C’est en partie pour cela que j’ai besoin de publier certains textes ici.
En tout cas je travaille, et dans ma leçon de ténèbres, c’est un long labeur, c’est plutôt un Œuvre au Noir, calcination pour purifier la matière.

samedi 7 février 2009

Citation

Aramis : " J'ai une question : pour quoi vous battez-vous ?"
Albator :" La réponse est simple : je me bats pour ce que j'ai au fond du coeur."

Aramis : " Et c'est quoi, au juste, cette chose que vous avez au fond du coeur ?"


Au lieu de répondre, le Capitaine vide un verre de vin rouge.

Plus tard, Albator dira au jeune Aramis : " Restez ici et nous nous battrons ensemble sous l'étendard de la révolte et la bannière de la liberté."

Citation

"Les hommes sont assez fous pour faire un pas en avant quand on leur dit qu'ils sont au bord du gouffre."

Capitaine Albator, 1978

Je cours le risque de paraître ridicule mais je trouve que notre capitaine, sur bien des points, était clairvoyant, et que son discours tient encore bien la route aujourd'hui.

mardi 3 février 2009

Écrire

Demande du temps, de la disponibilité, du travail, souvent du silence, ou de la distance mais pas forcément, de la solitude, de la stimulation, parfois du mouvement, du voyage (il peut être intérieur).
Écrire demande papier et stylo, ou clavier.
Écrire peut être nomade comme sédentaire.
Écrire demande parfois de se coucher très tard.
Écrire demande effort et discipline.
Ces temps-ci, la vie - son cours, ses évènements, ses surprises, ses mauvaises nouvelles, ses rencontres – prend trop de place pour écrire. Les sollicitations extérieures sont plus fortes, les demandes de certaines personnes sont même parfois pressantes. Ou bien c’est moi qui, bousculé, me décourage. Mais je lutte contre ça : écrire contribue à mon équilibre de vie, c’est en écrivant que je suis le plus vivant.

Emploi du temps - 2

Réveil 8.45 Boire de l’eau. Petit-déjeuner avec J.G. qui a dormi à la Multiprise, discussion plutôt agréable, mais qui finit par me saouler. Faire la discussion au petit-dèj, quelle barbe ! Je finis mon thé, passe aux toilettes, fume une clope et m’habille. Il fait froid et la neige a bien tenu. Bus 26 chopé in extremis au feu rouge, le chauffeur sympa fait pourtant une tête de mort. Je lis Le Vaillant Petit Tailleur d’Éric Chevillard, jusqu’à une phrase sur le crépuscule. Du monde entre dans le bus. Un papy maque de se faire coincer dans les portes. Je descends deux arrêts suivants et traverse la Villeneuve par les coursives, je crois un Black aux joues mouillées de larmes sans savoir si c’est le froid qui lui fait pleurer les yeux. En passant vers la piscine, je demande à un gosse en train de faire des glissades si la neige est bonne. Il ne me répond pas mais me sourit. Je monte la côte de Constantine, j’arrive à Grand-Place où il fait chaud ! Je continue de marcher vite mais je ralentis. Ce sont les soldes. Passer chez Zara ? Je me l’interdis. J’arrive devant la bibliothèque, me disant que bon sang, bien sûr que c’est fermé le matin. Je n’ai même pas l’heure, je la demande : il est 10.45. J’ai deux heures pour terminer le livre et y prendre des notes, avant de le rendre dans la boîte aux lettres. Je m’installe à la cafétéria. Au fond, il y a une jeune fille en pleurs au téléphone. La vie est bien triste, quelquefois. Je travaille devant un café double.

L’après-midi se continuera avec une visite chez A. qui me fait à manger, on parlera boulot. De même que chez H. où je passerai un peu plus tard. Mis à part les notes sur Eric Chevillard, je n’aurai rien écrit de la journée. Le soir, on hébergera S. qui a perdu la clef de sa chambre. Il y aura dans les semaines qui suivent beaucoup d’histoires de clefs…


samedi 24 janvier 2009

Emploi du temps

On me demande ce que je fais de mes journées ! Outre que je suis comme tout le monde (je vis, je travaille, je m’occupe), il est bien difficile de répondre précisément à la question et je préfère donner mes activités sur une semaine.

Couché vers minuit (je préfère préparer ma journée la veille) ou pas avant, je me réveille vers 8 heures. Le petit-déjeuner est primordial : thé (vert ou noir, mais une grande tasse), tartines de confiture ou bouillie de tapioca. Ensuite, la journée peut commencer.

Le lundi, elle commence chez l’imprimeur, j’en ressors avec plusieurs manuscrits (ou tapuscrits ?) qu’on m’a envoyé (compilés la veille) et qui vont m’occuper la journée (une saynète, un recueil de poésie, une nouvelle, un manifeste poétique).

Le mardi : aller-retour à Lyon pour voir mon amie japonaise qui y passe quelques jours de vacances. Le train (dans les collines enneigées !) me permet de lire le manuscrit de poèmes, dont le ton est assez ironique. La journée est claire et ensoleillée. Le soir, je reçois à dîner M., un ancien colocataire.

Je passe du temps, le mercredi matin, avec une association ; cours d’espagnol au lokal l’après-midi.

Jeudi : secrétariat (lettre de motivation de S. et une série de courriers pour Ouagadougou). Une réu m’occupera de 20 heures à minuit. La journée finit à 4 heures du matin pour amener mon coloc V. aux urgences (il s’est taillé avec un couteau).

Et finalement, cet emploi du temps est fastidieux, autant à lire certainement qu’à écrire. Mettons le dans le désordre : je fais la vaisselle, je cuisine, je dors, je participe à la gestion d’une maison de cinq à neuf habitants, j’écris (trop peu : mon travail et ce blog s’en ressentent), je rencontre des gens, je travaille avec eux, j’entretiens des correspondances et j’écrit du courrier, je passe trois heures à la bibliothèque, j’en passe deux à rentrer du bois, je taille le jardin, j’attends le tram, je prends le tram, je fais des courses, j’ai des rendez-vous, je vais voir mon libraire (pas de vente), j’écris un Pense Bête, je dactylographie un texte ironique sur l’écrivain, je lis et corrige des manuscrits qu’on m’envoie, je termine ma lecture de Proust, j’écoute de la musique, je cuisine de la kasha et du fenouil, je prends un bain, on me demande d’écrire sur la danse, je prends le soleil quand il y en a (c’est du moins le cas le dimanche). Voilà ce que je fais de mes journées. Mais Nicolas Page a fait mieux dans ce genre de liste (et dans l’ordre !) dans Je mange un œuf.