mercredi 30 avril 2008

Semaine 4

Extrait du Registre de résidence

Semaine 4 (du 21 au 28 avril) Travail, restitution, errance

Début de semaine. Quelque chose auquel je ne sais donner forme semble être en train d'émerger à la surface. Une mutation s'opère.

Quatrième cartouche d'encre (depuis le début).

Je travaille et trouve un nouveau rythme.

Début de notes sur Louise Catherine pour un texte à sa demande.

Début des Photos que je ne ferai pas (Instantanés)

Bilan : 6 poèmes écrits à ce jour, 4 feuilles et demie pour Au cours d'un soleil brûlant (cette semaine), reprise de l'histoire du cavalier noir. Ouais, ça part dans tous les sens.
Se reposer (sic) la question du rendu. Idée d'exposition, lecture ?
Repenser à Entre chien et loup

Ai régulièrement travaillé.
Lundi, deux heures en prenant mon temps. Puis environ une heure, le soir avec Cat.
Mardi, une heure et demie.
Mercredi, une demie heure de lecture et deux heures de travail à la bibliothèque d'Etudes. *

* Dissolution : 1) Décomposition d'un agrégat, d'un organisme) par la séparation des éléments constituants.
2) Passage en solution d'une substance solide, liquide ou gazeuse.
Petit Robert 2007

* Exposition Rouge

Albert Memmi, L'écriture colorée ou je vous aime en rouge
5 variétés de langage 5 couleurs
Vérité Noir
Analagie Jaune
Voeu Vert (espoir)
Fantaisie Bleu
Emotion Rouge

Jeudi, une heure et quart, et une demie heure de lecture.
Vendredi, une heure au Jardin des Plantes, où j'ai perdu mon agenda répertoire.

Plus d'une quinzaine d'allers-et-retours dans les escaliers, dont un pour le bois ; 3 heures de vélo, 3 messages sur des répondeurs, 2 migraines, 1 journée sans écrire (samedi, une langueur printanière et un dégoût d'écriture m'ont pris ; j'ai jardiné, étendu ma lessive et lézardé au soleil).

Pour une exposition : boîte à mots, mobile littéraire, une petit tirage de Fruits, Jardins, Instantanés. Restitution.

Perdu, trouvé, restitué le lundi suivant au Jardin des Plantes
le minuscule agenda (carnet personnel) bleu avec un bouton pression.

Perdue, retrouvée, la clef USB.

Perdu le bouchon du stylo-plume. ça m'énerve.

Restitution des 2 textes sur la Loire, sur le blog.

Retrouvé le bouchon au bout d'une demie heure.

Dimanche, journée floue. Un peu écrit, ai dactylographié, beaucoup réfléchi... Peu mangé et fait une heure de vélo le soir au parc. Journée d'errance


vendredi 25 avril 2008

La Loire (2)

Ce n’est que plus tard que j’ai découvert les villes respectables construites sur le cours de ce fleuve indocile et somptueux. Des villes sages, portant dignement l’histoire de France, donnent l’impression d’oublier la sauvage Loire d’avant l’histoire, ses combats et ses luttes.
Plein été dans la ville en congés. Sur les sables découverts de la Loire, il y a comme un parfum de port. Ce parfum d’ailleurs se rappelle ici et maintenant : les départs éplorés, les voyages envoûtants, les regrets dissimulés dans la ville haute alors que l’amant s’est noyé et l’anneau enfoui dans les sables.
C’est pour croire enfoui tout cela dans le fleuve que la ville s’est construit, hautaine, sur une seule berge : qu’il n’y soit pas trop évident. A chaque remords, à chaque regret, elle a monté plus haut ses tours, ses colombages ses créneaux et ses clochers. Pour oublier.
Et que vaut-il mieux faire, entre demeurer dans ces ruelles étroites d’où aucune perspective en effet ne s’ouvre vers le fleuve, ou partir loin vers l’Océan submergé d’urgences folles et insensées, aux aventures aimantées ? Pourquoi attendre un amour aléatoire dans cette ville docile, partisane et rangée d’un seul côté du fleuve ? Et pourquoi courir après ce voyageur intrépide, insatiable et parfait qui se nourrit de votre disponible immobilité ?
Je me promène, dessous la ville haute abhorrée, sur les sables retrouvés du fleuve indomptable.
Ailleurs, plus tard, je découvre, l’œil humide du vaste monde, et respire à la folie l’air du large. Je n’ai pas choisi, finalement, entre rester et partir. Je vais de l’un à l’autre, c’est le balancier de mon horloge : aller, puis venir. Attendre, puis aller. Rester, puis partir. Attendre pour partir. Rester avant de fuir.
Toujours aller de l’un à l’autre : de mon noueux amant noyé à mon lisse amour de jaspe. Rester sur une colonne d’un galbe immobile, puis courir vers la giclure éclaboussante du poisson argenté.
L’un dans l’autre, quitter encore la ville, me fondre encore un peu, m’enfoncer dans les sables, me noyer dans la Loire, m’oublier dans l’Océan.

La Loire (1)

Il y a d’abord un souvenir vague, peut-être faux comme ils le sont souvent. Je me vois me baignant avec mon frère, dans un ruisseau qui était pour moi la Loire, puisque nous avions vu sa source au Mont-Gerbier-de-Jonc pendant les mêmes vacances. La loire en effet n’est pas un fleuve : c’est un souvenir. Un souvenir qui se laisse heureusement oublier de son flot doux et plat, silencieux. La Loire glisse, constante et lisse. Le soleil qui déjà tend à l’oblique jette sur l’eau des éclats durs et brillants. L’aveuglement du reflet qui donne prend la place du discret mouvement du flot, mais puissant et évolutif : diamants perçants sur une moire lisse et glauque. Le souvenir remonte, ressurgit brusquement et tourbillonne ses eaux troubles et voraces. C’est le souvenir des noyés, celui du galant matelot de la chanson qui disparaît à la troisième plonge pour retrouver l’anneau de sa belle.
C’est le souvenir, alors que je me baigne sur la berge interdite, bien loin, bien plus loin que la première fois : à côté du petit Gitan nu qui brave les mystères du fleuve, dédaignant ses dangers ; c’est le souvenir du petit garçon intrépide que je n’ai jamais été mais que je suis peut-être aujourd’hui. Résolu en tous cas, je me tiens maintenant debout face au fleuve et nous nous jaugeons.
Ce sont ces souvenirs que la Loire accumule et charrie sous ses sables, et que domptent peut-être les pêcheurs que je jalouse. Elle travaille contre le temps et oblige les hommes à construire des ponts énormes pour croire l’oublier, aux larges arches, aux arcs-boutants comme des hanches. Et elle dessine sous les arches, par leur reflet dans l’eau, un cercle presque parfait : l’anneau qu’elle a volé.

jeudi 17 avril 2008

Etape/s (numéro 1 ?)

A ce stade (semaine 3) de ma résidence au Brise-Glace, il apparaît quelques petites choses...
La question de la monstration, d'une restitution de mon travail d'écriture, a été posée. Je ne sais quoi répondre à cela pour l'instant, d'autant moins que je ne pense pas avoir quelque chose de montrable, et que je ne suis pas sûr d'atteindre ce stade dans les 8 semaines projetées ici. Je l'ai résolue d'une manière facile : j'ai demandé à Louise Catherine Drève, peintre et plasticienne qui m'a invité ici, de lire mes notes quotidiennes, le pense-bête poétique (?) ainsi que le registre de résidence, et de faire de ce modeste rendu, un bilan, une étape, une discussion. Le premier a eu lieu lundi.
Puis, me voilà devant un fait inconfortable : l'écriture me conduit vers un terrain que j'aurais volontairement aimé mettre de côté. La chose s'impose à moi, irritante. Je n'ai pourtant pas envie d'en passer par là. J'aimerais l'effacer, la polir. Il faudra bien pourtant que je la résolve, d'une manière ou d'une autre ; que je la traverse et l'affronte ; que je m'y confronte (j'y suis déjà confronté ! mais qu'en faire ?) ; que je la résolve, oui, comme on résout une équation ou un problème pour en trouver le résultat, la solution.
Un point important, soulevé par LouCat, et répété voilà dix minutes par Nosca, plasticien : la contrainte, ou l'objectif. Il est vrai que je suis venu sans projet défini. Cela me bloquait un peu, au départ, puis je me suis dit que cela laissait ouvert l'ensemble des possibles. Mais il apparaît nécessaire, pour profiter au mieux de ce temps et de cet espace, de fixer un objectif ou une contrainte de travail. Fixer un point, ou un réseau de lignes restrictices et induisantes (conductrices ? possiblement). Travailler selon cet horizon. Et voir ce qui s'y passe...
L'objectif peut être atteint, et s'avérer soit inintéressant, soit signifiant. L'objectif ou le projet peut évoluer, bouger, bifurquer, disparaître, être perverti... Il peut s'avérer vain ou inadapté.
Mais en tous cas il y aura eu un travail, fini ou en tous cas achevé même si ce n'a pas abouti, et donc un objet posé là, en dehors, preuve ou résultat tangible d'une étape, d'un progrès ou d'une impasse. Donc critiquable. Donc dépassable.
Je vais donc essayer de me tenir à l'écriture des "épisodes" des 24 heures à Ouagadougou, tenter de les mettre dans l'ordre et de trouver des volutes pour les faire tenir en place...
Il serait bon aussi que l'idée de l'histoire du cavalier noir avance.
Chaque chose en son temps. Petit à petit. (clin d'oeil à Heriberto)

mercredi 2 avril 2008

Résidence au Brise Glace - Grenoble

Voilà une semaine que je suis en résidence au Brise Glace à Grenoble.

J’y dispose donc d’une pièce d’une vingtaine de mètres carré, aux murs blancs, donnant – comme l’atelier d’un peintre – au Nord et sur les montagnes. Cette chambre fait partie d’un « appartement », chauffé par un poêle, ainsi qu’un salon-cuisine commun, la chambre de S. et l’atelier de D.

« Ma » pièce comporte des placards à 8 casiers, étrangement et inaccessiblement hauts (il est vrai que je suis petit), des étagères et une commode ; un lit, un petit meuble roulant, un immense et lourd miroir, un meuble-bibliothèque, surmonté d’un casier blanc et jaune à portes coulissantes, une échelle bleue ; un bureau en formica d’un design aussi spatial que génial, assez typique, je pense, des années 70 ; une chaise, une lampe qui ressemble à un aéronef, et un matelas en plus, qui me servira de sofa et sur lequel je m’essaierai à écrire en y posant une planche soutenue par deux traverses en bois, trouvées sous le sommier.

Pour écrire, je dispose d’un stock de Bic à mines rétractables, noirs, ceux que je préfère, et d’un stylo-plume en plastique noir et violet (premier prix). Il se trouve que j’ai dû acheter un nouveau livre de brouillon, de couleur rouille, puisque le précédent, gris, est rempli. J’ai commandé un « registre » chez la relieuse de la rue de l’Abbé de La Salle, de forme oblongue, de 32 pages, à couverture verte et rouge et à reliure rouge pompier, dans lequel je noterai, comme dans un carnet de santé, l’évolution de ma scriptopathologie ou de ma graphomanie.

Le Brise Glace est un bâtiment énorme, sur quatre niveaux, plus la cave. Ouvert il y a plus de 15 ans (occupation illégale), il comporte une quinzaine d’ateliers (peintres, graveur, plasticiens, musiciens, architectes…) et plusieurs « appartements » d’habitation. C’est comme une fabrique, un peu monstrueuse, évolutive, et c’est très étrange de voir et de sentir tous ces gens qui passent, qui travaillent, qui expérimentent et qui créent. Le collectif Ici Même (http://www.icimeme.org/), célèbre pour ses performances dans l’urbain et pour son questionnement sur le rapport à l’espace publique et l’espace privé, y a ses ateliers, de même que la 10section, groupe d’architectes. Des ateliers personnels, dont celui de la peintre et plasticienne Louise Catherine Drève, qui m’a invité. Le Brise-Glace s’est voulu "lieu d'échange et d'émulation" entre différentes pratiques artistiques, un lieu de "circulation d'idées" (un compte rendu de l’an 2000 : « L'objectif du Brise-Glace : créer un lieu de vie et de travail, de rencontres et d'échanges, où matériaux et savoirs-faire fabriquent de l'en-commun, une de ces friches qui transforment en liberté la nécessité d'articuler espace et création. Quatre ans après, l'objectif est atteint: cinq logements, seize ateliers, labo-photo, atelier de sérigraphie, cent résidences d'artistes, des fertilisations croisées entre arts et spectacles vivants. » Depuis, le lieu est en baisse d'activité et en reformulation de ses projets, du fait, en partie, de la menace d'expulsion).

Ecrire, c’est être seul, et je vis en effet une étrange solitude. Le Brise-Glace, bien que proche du centre et tout près du quartier Saint-Bruno, est en marge de la ville et de ses institutions. C’est un espace de liberté créatrice. J’y suis au calme, entouré d’artistes qui travaillent, et même si je ne les connais pas tous et que je ne croise que peu, j’y trouve une émulation. J’y trouve retraite. Ce m’est même un refuge. Comme une Arche de Noé dans le fracas du monde. Je commence à me mettre dans un état de vacuité, que j’espère propice à l’écriture.

Et j’écris. Je réfléchis. Je me nourris (expositions, lectures, bibliothèque, conférences, quelques spectacles, de la danse surtout). J’avance, quand bien même je n’en suis pas à une réelle production.

Peut-être même n’y aura-t-il pas de production ; cette idée avance, m’aide à faire le deuil d’un livre qui ne s’écriera peut-être pas. L’essentiel n’est pas là : ce sera une expérience qui compte. Je vis ce que j’ai désiré : passer un temps à écrire, un temps libre et disponible que j'ai créé pour ça, et le passer, ce temps, dans un atelier artistique collectif.

Rien qu’une saison. Toute une saison.

Je me rends compte que la fréquentation des livres, que ce soit dans les librairies ou les bibliothèques, me stimule énormément. Un titre, un mot, une image fait office d’interrupteur pour une minuterie, une petite mécanique de l’esprit qui fonctionne et opère. J’ai même l’impression d’entendre les bruits des rouages, leviers et poulies dans ma tête : tic tac toc, ding, ding ! Voilà trois mots, une phrase, un ou deux versets qui se déposent à la « sortie » de ma cervelle !

Le charme ou le sort opère, entêtant, mécanique infinie ; et si j’ai souvent l’air absent, je me sens, au contraire, tout contre les choses ; ça parle, continûment ; ça écrit, souvent, souvent sans papier ni stylo.

Mais comment déverrouiller l’espace du dedans ? (Laure Adler dans Les femmes qui écrivent vivent dangereusement)

mardi 1 avril 2008

L'Espace Bajidala



Photographies de Bérangère Haëgy

Dans la ville de Ségou, qui suit interminablement le fleuve Niger au nord-est de Bamako, la vie est d'une lenteur déconcertante. Comment être autrement au bord de ce large fleuve qui ressemble à un lac ?
Dans le quartier de Ségoukoura, il y a l'Espace Bajidala, littéralement : au bord du fleuve. Cet espace est construit de manière traditionnelle, les bâtiments en banco ocre rouge entourent une cour, une terrasse qui tombe ensuite dans le jardin aux alvéoles entourées de terre compacte.
A la fois auberge et résidence d'artistes, l'Espace Bajidala m'apparaît comme un refuge, une oasis de liberté de création, sans rupture pourtant avec la tranquillité de la ville et la vie sur le fleuve. Mes amis burkinabè, le peintre Sambo Boly, et le jeune photographe Nestor Da, le peintre naïf Mama Famanta, David Coulibaly avec ses boîtes, ainsi que le peintre américano-malien Adama Alassi, y ont travaillé et exposé. Il faut dire que Michel Fleury, qui a construit cet endroit, a lui aussi l'âme d'un artiste : création des meubles et de la décoration contemporaine, goût pour les couleurs et les intervalles, pour le décalage... Il soude, peint, plante, arrange... et soutient.
Nombre de plasticiens, de danseurs, de musiciens ou d'écrivains lui doivent un moment de répit et une période créative.
Nous y avions trouvé, nous, un espace de respiration pour mieux continuer, un silence d'où est sorti un texte : Dialogue de Masques.

Pour plus d'infos, cliquer sur le titre ou sur le titre dans "Et ailleurs..." et vous pourrez entrer dans le très joli site de Bajidala !