dimanche 22 mai 2016

Sept d'un coup !

(sept poèmes reçus dans le cadre d'une "chaîne poétique" ; merci aux expéditeurs)

 
Housekeeper
Michael LONGLEY


She burst out laughing at the interview
Because he complained about his catheter.
I had come from the far end of the county
To nurse his lordship and, when he died, stayed on.
Every morning here I have been surprised
By the stream that flows in the wrong direction.
I miss a mountain at the kitchen window.
The house is shrinking slowly to a few rooms
Where for longer periods she hides away
And sits arguing with herself, a hare
That chews over its droppings in the form.
I have caught her reading my letters home,
Hiding Christmas cards behind the piano.
She makes jokes to the friendly gardener
About my whiskery chin, my varicose veins,
And tells me off like a child in front of him
Should my fingernails be stained or floury.
If I start to talk about going home
She pretends not to understand my accent.
The bell that summons the afternoon tray
Will soon be ringing out for a bed pan.
Furniture and ornaments seem to linger
And wait under dust sheets for her to die.
A last sheet will cover up her armchair
And the hare that melts into the mountainside
Will be white in winter and eating snow.




 


20 ans que ce sourire a montré sa part de mort
20 ans de tes dents, partie de ton squelette visible ont pris le pas sur le reste
20 ans que le monde a fermé les yeux et parlé d'un coup du sort
20 ans que tu as été fui comme la peste

20 ans que les larmes coulent doucement sur tes joues
Que les mots ne sortent pas et que ton nom traine dans la boue
20 ans que les cris ont résonné dans tes collines
et que les autres t'ont regardé te transformer en ruine

20 ans où chacun a tarit son flot de parole
20 ans que rôde la peur et fuient les banderoles
qui voudraient crier le malheur et la vie
qui voudraient hurler le sang lavé par la pluie

20 ans que chacun met un pas devant l'autre et que les fantômes rôdent
20 ans que les enfants naissent et font reculer le cauchemar
20 ans que la pluie fait briller les feuilles des bananiers et se lève l'aube
20 ans que poussent les avocatiers et que la lune se couche tard

20 ans la nuit s'éloigne et l'espoir est vivant,
Même si l'ombre est là, tu te relèves, redeviens grand
Sourions sans voir les dents qui nous rappellent trop le tragique
Sourions en regardant devant, oublions l'oblique

Aujourd'hui ta terre rouge coule dans les veines de ma fille
Je vois l'amour dans ses yeux noirs qui scintillent
20 ans et j'ai envie de croire en toi
20 ans déjà, Rwanda

Cécile MAOUT, écrit le 5 avril 2014



 


maggie and milly and molly and may
E. E. Cummings, 1894 - 1962
              10

maggie and milly and molly and may
went down to the beach (to play one day)

and maggie discovered a shell that sang
so sweetly she couldn’t remember her troubles, and

milly befriended a stranded star
whose rays five languid fingers were ;

and molly was chased by a horrible thing
which raced sideways while blowing bubbles : and

may came home with a smooth round stone
as small as a world and as large as alone.

For whatever we lose (like a you or a me)
it’s always ourselves we find in the sea




 



Non que je veuille ôter la liberté
A qui est né pour être sur moi maître :
Non que je veuille abuser de fierté,
Qui à lui humble et à tous devrais être ;
Non que je veuille à dextre et à senestre
Le gouverner, et faire à mon plaisir :
Mais je voudrais, pour nos deux cœurs repaistre,
Que son vouloir fût joint à mon désir.

                                                      
                                                                                 Pernette du GUILLET




 


A la mémoire de Maurice PILORGE
assasin de vingt ans


Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou
Que ma main plus légère et grave qu’une veuve
Effleure sous mon col, sans que ton cœur s’émeuve
Laisse tes dents poser leur sourire de loup.
O viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d’Espagne
Arrive dans mes yeux qui seront morts demain.
Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main,
Mène-moi loin d’ici battre notre campagne.
Le ciel peut s’éveiller, les étoiles fleurir,
Et les fleurs soupirer, et des prés l’herbe noire
Accueillir la rosée où le matin va boire,
Le clocher peut sonner: moi seul je vais mourir.
O viens mon ciel de rose, O ma corbeille blonde!
Visite dans sa nuit ton condamné à mort.
Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,
Mais viens! Pose ta joue contre ma tête ronde.

[...]



Jean Genet
Le Condamné à mort






 



« Le temps écrit sa musique sur des portées disparues »



Bashung/Fauque




 

"Les astres et les arbres"
de J. Hemleben. Traduction de Mireille Delacroix.
        Lundi
   Que dit l'astre d'argent,
   A la fête du printemps,
   Dans les cerisiers en fleurs
    Qui, l'été, porteront fruit?
                 "O homme,
   Transforme-toi comme la plante,
   Purifie tes instincts,  mûris,
   Et cueille les fruits de la vie."

jeudi 19 mai 2016

Ensuite

(poème reçu dans le cadre d'une "chaîne poétique")
 
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou sous un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois,calme plat,grand miroir
De mon désespoir !

Charles Baudelaire

vendredi 6 mai 2016

Et encore...

(poèmes reçus dans le cadre d'une "chaîne")
 

El Desdichado


Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Gérard de Nerval


Il m'arrive plein de petits poèmes...


Reçus


Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.



(Verlaine)



Reçus

(poèmes reçus dans le cadre d'une "chaîne")


Matin

J'ai faim de tes cheveux, de ta voix, de ta bouche,
sans manger je vais par les rues, et je me tais,
sans le soutien du pain, et dès l'aube hors de moi
je cherche dans le jour la bruit d'eau de tes pas.

Je suis affamé de ton rire de cascade,
et de tes mains couleur de grenier furieux,
oui, j'ai faim de la pâle pierre de tes ongles,
je veux manger ta peau comme une amande intacte,

et le rayon détruit au feu de ta beauté,
je veux manger le nez maître du fier visage,
Je veux manger l'ombre fugace de tes cils,

J'ai faim, je vais, je viens, flairant le crépuscule
et je te cherche, et je cherche ton cœur brûlant
comme un puma dans le désert de Quitratùe.


Pablo Neruda


mercredi 4 mai 2016

Reçu


(poèmes reçus dans le cadre d'une "chaîne")

Même morte je reviendrai forniquer dans le monde 
(Joyce Mansour)

Reçu


"Éteins mes yeux : je te verrai encore
Bouche moi les oreilles :  je t'entendrai encore
Sans pied, je marcherai vers toi
Sans bouche, je t'invoquerai encore
Coupe-moi les bras: je te saisirai
Avec mon cœur comme avec une main
Arrache-moi le cœur et mon cerveau battra
Et si tu mets aussi le feu à mon cerveau
Je te porterai dans mon sang"


Rainer Maria Rilke, extrait de Lettre à Lou Andreas-Salomé


lundi 2 mai 2016

Ecrit


Un bateau disparaît à l’horizon
Le flux et le reflux de la mer
La nuit tombe
Viens, rentrons

(Rhapsodie au crépuscule

Lu, relu, perdu, retrouvé, relu, donné, etc.



Viens, viens, qui que tu soies
Vagabond, érudit, dévot, qu'importe
Dans notre caravane il n'y a pas de place pour le désespoir
Viens, même si tu as mille fois rompu tes serments
Viens, viens de nouveau

Envoyé


"Surtout, surtout,
Sois indulgent
Hésite sur le seuil du blâme
On ne sait jamais les raisons
Ni l'enveloppe intérieure de l'âme.
Ni ce qu'il y a dans les maisons
Sous les toits,
Entre les gens..."

Cocteau.