dimanche 26 décembre 2010

En pensant à mes voyageurs

Sur la montagne est un arbre
Qu'importe
Si le voyageur - un point dans
Le paysage, ni en quête, ni en fuite -
Grimpe vers lui pour
L'embrasser,
Ou descend vers la plaine ?
Tel le vent soufflant vers la terre,
Il la parcourt d'un pas persévérant.

L'errant au voyage flamboyant
Observe comment le ciel se meut
Et voit le temps
Qu'il faut à chaque chose.

Laisser passer le vent est heureux,
Et noble le chemin
De ceux qui sont en marche.



vendredi 5 novembre 2010

Mais ce silence ne pouvait être vide

Envie de voyage, de liberté... De refaire à l'envers les voyages qui m'ont fait : Italie, Angleterre, Inde, Alexandrie, Dakar, Ouagadougou et Bamako
Plaisir douloureux d'une séance de La tumultueuse vie d'un déflatté - exaspération de la ville et des vanités urbaines, nostalgie de revoir sur écran le Grand Z tel qu'il m'apparut à Ouaga, vanité orgueilleuse et nostalgique - vaine pour tout dire, et presque fausse - d'avoir facilité la rencontre pour ce film.
Plaisir d'une séance de cinéma volée (Les Amours imaginaires) : deux heures où disparaître au milieu d'anonymes, hors de tout contrôle, personne ne sachant où j'étais... Besoin de ces temps d'errance, de vacance, où tout est possible - et pourquoi pas rien faire, ou partir à Montréal.

Ne rien faire. Luxe difficile à notre époque, et plus encore en ces jours bouleversés (point de vue domestique et égocentré). Tout me malmène, qui pourrait être soigné un peu par l'assouvissement de ce manque. Histoire de persévérer dans mon incapacité et mon improductive existence. De l'art de l'inutile... Autant éditer de la poésie !
Les Vers mal arrimés
d'Ernest Boursier-Mougenot sont cependant enfin chez l'imprimeur.


"Les beaux esprits et les femmes qui tiennent salon sont les sujets de biographie les plus difficiles, puisqu'ils disent des choses fines, vite oubliées, facilitent tout et ne créent rien. Ce sont des figures essentielles, dont la notoriété et l'utilité disparaissent avec elles."
Edmund White, City boy

mardi 31 août 2010

Les auteurs

J'ai rencontré Arnaud Friedmann à ce fameux Salon du Livre de Saulieu. Après avoir félicité un autre auteur, s'intéressant aux femmes du XVIIIè siècle - parce qu'il se parfumait au Grey Flannel, très audacieux dans ses effluves de... violette, que je peux reconnaître entre tous (parfum désuet et précieux aujourd'hui).
Je n'aime pas parler aux auteurs. Je n'ai rien à leur dire, ou rarement ; je n'ai pas toujours lu leur(s) livre(s), ce qui est une faute de goût de leur point de vue ; cela ne m'intéresse pas de partager des ficelles avec eux - parce que je n'en ai pas : quand j'écris, je ne sais pas ce que je fais avant de l'avoir fini, ce qui est rare, autant le dire. J'aime les auteurs quand ils sont des amis , ou quand je les édite, ce qui revient pour moi à la même chose (j'édite des rencontres et je le revendique comme tel) : Aurélye Perrette, Fred Helle, Ernest Boursier-Mougenot, bientôt Marion Massip et Franck Bailliet j'espère
Je cherchais Ernest Boursier-Mougenot (L'Amour du banc chez Actes Sud qui fait référence auprès des designers et des architectes, Les Animots de Buffon à l'Escargot Savant, et bientôt Vers mal arrimés à... La Pierre qui Roule), le voisin de table d'Arnaud Friedmann, et je me suis laissé séduire, c'est le cas de le dire.
"Qui est Ernest ? répondit-il à ma question. Maintenant que vous êtes là, vous regarderez bien mes livres." Contraint comme un écolier mal appris, j'ai donc regardé ses livres.
Son Jeanne en juillet, aux éditions de la Boucle, est étonnant. Prendre le point de vue d'un personnage complètement étranger à soi me paraissait une méthode pour moi inabordable, à cent lieux de ce que je tente paresseusement de faire. Prendre le point de vue d'une femme enceinte, quand on est un homme, me semblait douteux - mais il est vrai que le milieu féministe qui m'entoure donne parfois de préjugés. Arnaud Friedmann s'en tire avec sobriété et justesse, avec charme en effet, si je peux être objectif à ce niveau-là.
Comme quoi, de rencontrer les auteurs...

lundi 30 août 2010

A défaut d'écrire

Lire Sagan en se disant que ses livres renouvellent les clichés (la passion charnelle, le trio amoureux, la jeunesse et son plaisir d'exister) et les rajeunissent d'une façon plus charmante, plus élégante, plus juste - et que ces beaux clichés, cette élégance charmante, ont été utilisés, usés par le monde de l'édition, déniés par la critique, finalement boudés par le public.
Lire Sagan en se disant rageusement que j'aurais aimé écrire ce qu'elle écrit (La Chamade) - ce n'est pas la seule dont je pense cela - et je suis pris d'un léger mais persistant découragement, inutile et futile.

dimanche 29 août 2010

(ex) Star

Ces temps-ci, je suis plus qu'ému, révolté par le destin et l'écriture de Françoise Sagan. A dix-huit ans, elle écrit Bonjour Tristesse qui fit scandale (parce que l'héroïne a une liaison sexuelle hors mariage...)
« En fait, j'ai été très surprise du scandale que ce livre a suscité. Pour les trois quarts des gens, le scandale de ce roman, c'était qu'une jeune femme puisse coucher avec un homme sans se retrouver enceinte, sans devoir se marier. Pour moi, le scandale dans cette histoire, c'était qu'un personnage puisse amener par inconscience, par égoïsme, quelqu'un à se tuer. »
(interview donnée à Alain Louyot et publiée dans L'Express le 27/09/2004).
On l'encense, on l'adore, ce charmant petit monstre. Ses "frasques" (son côté dandy, ses voitures de sport, son accident de la route, ses séjours à Saint-Tropez, son goût pour le jeu et le casino, ses mariages... et peut-être sa bisexualité plus ou moins cachée) font le plaisir de la presse à scandale : le public la confond avec ses personnages et elle devient rapidement, malgré elle, le symbole d'une génération aisée, insouciante et désinvolte, sexuellement libérée. Éternelle adolescente, elle incarne un mode de vie et même une mode pour les jeunes gens avec ses jeans, ses tee-shirts à rayures, ses espadrilles sans chaussettes. Françoise Sagan a tout, dans ces années de prospérité de l'immédiat après-guerre, du phénomène de société.
Ses engagements politiques, rares (en 1961, en pleine guerre d'Algérie, elle signe la Déclaration sur les droits à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, qui approuve l'insoumission des appelés en Algérie ; en avril 1971, elle signe le Manifeste des 343 femmes qui déclarent avoir avorté illégalement, plus connu sous le nom de Manifeste des 343 salopes ; elle fait don de ses droits polonais à Solidarność) ; son soutien (relatif) de François Mitterrand la gardent sur le devant de la scène : elle fait partie de cette gauche caviar qui a le pouvoir, on l'invite à la télévision, elle est probablement toujours mondaine.
Elle publie un livre tous les deux ans, sans compter les pièces. La critique, après s'être montré charmée, s'avoue agacée par « l'incontournable désinvolture » de cette bourgeoise.

Angelo Rinaldi, L'Express du 25 août 1994 :
« Le succès commercial de Madame Sagan est à ce point automatique désormais que la critique en vient à ne plus examiner ce qu'elle publie. Elle jouit d'une rente de situation. On dirait que le personnage malin et subtil qu'elle présente à travers ses interviews dispense à jamais de prendre connaissance de ses écrits. Il est entendu qu'elle bâcle - elle-même en convient. Et, c'est universellement admis, si elle voulait vraiment, quelles merveilles ne renouvellerait-elle pas ! Le dernier livre est-il exécrable ? Attendons le suivant. Et ainsi passent les années. Cependant, un jour on se décide à y regarder de près. Un jour, on se souvient qu'en littérature comme en amour ce sont les actes, les preuves qui comptent, et non les virtualités... »
Et puis on la conspue : elle est est impliquée dans un trafic de drogue en 1995, et dans une affaire de fraude à millions (l'Affaire Elf) en 2002. Elle est condamnée, elle est ruinée, elle est blessée - si tant est qu'elle ne le fût déjà.
En 2001, Libération la trouve trop légère, pas politique, futile, inutile et bourgeoise. Elle adressera un fax au rédacteur en chef par lequel elle rappellera qu'elle et Bernard Frank ont signé le Manifeste des 121 et elle conclura son texte par cette formule cinglante :
« Ma réputation de futilité étant bien assise, je vous serais reconnaissante d'en citer à l'occasion les exceptions ».

Et puis, on l'oublie. Ses romans sont démodés ou apparaissent comme tels : trop faciles. On la trouve vieille, ridicule. Elle est recueillie par une amie. Elle s'enferme dans un désenchantement élégant. Elle est toujours dandy. Elle meurt dans l'oubli. Après l'avoir indûment utilisée, le monde commercial l'avait jetée.
En 1998, la romancière rédigeait son épitaphe :
« Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. »
" petit oiseau effarouché
sur le grill
des poses d'écolière
très touchant "
...dit Cyril

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Stars


CHRISTIAN ET LE PETIT ROBERT .12
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mercredi 18 août 2010

Rendez-vous à Saulieu

« Être de quelque part ne signifie pas grand-chose. Ou seulement pour les gens qui y sont restés. Ceux qui sont restés quelque part. »
C’est ce que se disait Gabriel Courtois en arrivant à Saulieu. À pied, doit-on préciser.
Gabriel Courtois est professeur de latin-grec au Lycée de Clamecy. Il y est connu, vous pouvez le vérifier. Il a pris le train à Cravant pour venir à Saulieu mais il est descendu, étrangement, à la gare de Macon, pour revenir sur ses pas, à pied, par Saint Martin de la Mer. Autant dire qu’il prend les chemins de traverse. Mais peut-on appeler « gare » cette station, qui suit celle de Saulieu, seulement marquée par un trottoir de granit, et dont le nom – du village tout proche – copie celui d’une ville plus connue ?
En arrivant à Saulieu par la rue de Villeneuve, Gabriel fait aboyer les chiens. Du linge est étendu dans les jardins, du bois est rangé dans les hangars, on se dispute dans une des maisons. La pompe à eau ne sert plus, remarque-t-il. Ensuite, Saint-Saturnin sonne trois fois. Il est en avance. Peu de monde.

Soudain la basilique sonne à toute volée. Un mariage ou un enterrement ? « Un enterrement », conclue Gabriel, vu la gravité des cloches et le peu de vie de la ville : c’est un glas.
Ce sont donc bien les sons qui font la frontière de la ville. D’ailleurs l’organiste répète à Saint-Saturnin. Gabriel note tout cela. Pourquoi ? Et que vient faire ce personnage anodin dans ce lieu et dans cette histoire qui n’existe pas encore ? On ne saurait pourtant être trop prudent, ni se méfier assez des professeurs de langues mortes, encore jeunes, un peu trop solitaires et qui voyagent avec une sacoche. Surtout quand ils portent une chemise un peu trop courte, dont les pans volent sur son pantalon, et des sandales aussi… bohémiennes. Les petits vagabonds sont-ils toujours ceux qu’on croit ?
Une histoire qui n’existe pas, précisément. Mais comment imaginer que quoi que ce soit se passe, un après-midi d’été, dans une bourgade de Bourgogne, charmante, mais désertée à l’heure où les notables digèrent ?

Gabriel se dirige vers la rue de Boignard. Faut-il qu’il connaisse bien la ville ? Le soleil tape et cogne ; comment imaginer qu’on se promène à cette heure ? Sous le préau bien charpenté qui protège le lavoir, la fontaine s’écoule continûment pour alimenter le miroir d’eau. Il y a quelqu’un qui s’y reflète, qui s’y repose, profitant peut-être de la fraîcheur de l’ombre. Un vagabond probablement, occupé à contempler le cours des choses dans la glace à peine tremblante de l’eau.
« Ah, te voilà ! » lance le vagabond quand Gabriel Courtois entre dans l’enceinte du lavoir.
« Me voici. Bonjour Machin. »
Vous ne voudrez pas le croire mais c’est bien son nom : Séraphin Machin avait rendez-vous avec Gabriel Courtois. On va peut-être y voir plus clair dans cette histoire.
« Tu viens pour la livraison ?
« Franchement, Séraphin, qu’est-ce que tu foutrais là à m’attendre, et pourquoi viendrais-je te retrouver ici si ce n’est pas parce que tu as quelque chose qui m’intéresse ?
« Tu vas te calmer tout de suite, mon petit, ou je te casse la gueule. J’ai ce qu’il te faut et tu le sais, c’est Perruchot qui t’envoie et il y met le prix. Seulement, moi, je t’ai déjà vu te balader sans raison apparente, pas vrai ?
« C’est bien ça. Tu connais bien l’histoire. Mais montre-moi plutôt ce que tu dois me remettre. »
Machin fouille dans ses frusques – comment imaginer et comment croire qu’il ait la place pour y transporter ce qu’on le voit en sortir ? Voici un épais et vénérable volume in-quarto, relié en cuir brun et décati. C’est une édition de Virgile du XIXe siècle, l’édition annotée par Champollion, celle-là même qui a été dérobée dans la bibliothèque du château de… Vous ne voudriez tout de même pas qu’on vous dise où ? De toute façon, si vous ouvriez la page de garde, vous verriez bien le riche ex-libris, preuve du prestige des détenteurs du volume, qui augmente la valeur du texte et de sa typographie.
L’ouvrage est passé des mains de Séraphin à celles de Gabriel. Celui-ci en a caressé la reliure, a vérifié l’imprimatur et l’ex-libris, et l’a refermé.
« C’est une belle édition, dit Machin. Très peu de fautes, typographiée en Garamond.Un peu snob, cette fonte, mais c’est chic.
« Il y a autre chose, répond Gabriel.
« Flûte, t’es aussi au courant ? Perruchot suit bien ses affaires, décidément ! Il doit passer son temps à lire la chronique des cambriolages dans les journaux ! Pourtant, celui-là, c’était discret. Carrément devant les yeux de Mademoiselle ! Elle a pas dû encore s’en rendre compte ! »
Sort de ses hardes un autre livre : l’édition originale des Fleurs du Mal de Baudelaire, peut-être le volume même qui fut volé à l’étalage par Jean Genet et qui lui valût la prison. Dérobé, cette fois, et très habilement chez Mademoiselle … (on vous a déjà dit que vous ne saurez rien).
« C’est bien », dit Gabriel.
Mais il est quatre heures. Des femmes sortent des maisons du faubourg pour faire sécher le linge sur les fils tendus dans le pré, et les deux hommes se séparent après une poignée de main dans laquelle a transité l’argent de la précédente livraison.
L’un remonte à Alligny ; l’autre rentre en ville, avec sa sacoche alourdie, en passant par la ruelle des Terreaux. C’est dire s’il connaît vraiment la ville…

Le professeur de latin-grec continue par la rue du Marché – un type y achète un chapeau. Il rentre au Café de Paris et s’installe à la sixième table, à gauche le long du mur. Un monsieur l’y rejoint pour lui dire :
« C’était moi, ici. Y a de la place partout !
« Précisément. Je n’avais pas vu qu’il y eut votre nom sur la table », répond Gabriel en prenant ses affaires pour les translater à la table d’à côté.
Il est découragé, d’un coup, et boit un thé en se disant qu’il lui faudrait un jour ou l’autre arrêter ses entourloupes. C’est du moins ce que lui reprochait sa mère dans une phrase qui commençait par « Tu aurais dû » ou par « Tu devrais ». Il lui faut tout de même refiler la livraison. C’est ce type qui l’a fait culpabiliser pour l’histoire de la table. Et d’abord, pourquoi faudrait-il faire comme tout le monde ?

Le lendemain, c’est dans le salon de l’Hôtel de la Poste qu’on retrouve Gabriel Courtois, professeur de lettres classiques. Là encore, dans ce décor – et plus encore peut-être depuis qu’on sait ce qu’il trafique – son habillement paraît suspect : un T-shirt et un jeans trop moulant, assis sur les banquettes en cuir clair, au milieu de lampes perlées et des boiseries tendues de brocard au décor de fleurs et d’oiseaux. Vraiment, quel drôle d’oiseau fait Gabriel au milieu d’eux !
Il n’a pas plus belle humeur que la veille au soir. Et il se sent effectivement déplacé aujourd’hui.
« C’est étrange. Je dois vieillir. Les transactions se passent pourtant toujours comme ça. »
En effet, à chaque fois que Machin lui donne rendez-vous à Saulieu, c’est à l’Hôtel de la Poste, où il passe pour un voyageur de commerce (ce qu’il n’est pas loin d’être), que Gabriel dort jusqu’au lendemain, et que Perruchot vient récupérer ses paquets. Les frais sont à la charge de Monsieur Perruchot, libraire à Paris, qui aime particulièrement l’Armagnac servi dans l’établissement de Monsieur Vuillemin. Il a aussi l’excuse, pour ses voyages, de faire régulièrement des affaires avec un libraire à Arnay-le-Duc.
Perruchot arrive en début d’après-midi, et ils passent ensemble, le libraire et le professeur, dans la deuxième alcôve du petit salon, derrière le miroir de la première. Monsieur Vuillemin, qui est décidément charmant et connaît leurs habitudes, leur amène un muscat et un Armagnac.
Perruchot, lui, on ne peut dire qu’il soit charmant. Gabriel note le contraste quand il le voit déjà s’énerver avant d’avoir parlé.
« Bon, alors, tu les as, oui ou non ? »
Gabriel lui passe l’in-quarto et le Baudelaire. Il regarde les yeux de Perruchot qui défilent comme un écran de jackpot. Quatre cent cinquante pour le Baudelaire, bien plus pour le Virgile : voilà l’estimation du professeur pour la future et discrète vente de la librairie ancienne et moderne Perruchot.
Le libraire a l’air d’apprécier et de se calmer. Le professeur attend, les yeux dans le vague, et rêve de voyage… Berlin, Londres ? Et pourquoi pas le Japon ? Cela doit être l’influence des tentures aux fleurs et oiseaux, inspirées des estampes japonaises…
La radio passe un tube du moment qui chante : …et c’est tout un programme - dans un ciel artificiel… pendant que Perruchot compte trois billet de cent et les passe à Gabriel sous la table.
Le professeur pose son regard bien en face du libraire, se dit : « Pourquoi pas ? » et prononce :
« Il faut ajouter. Séraphin a pris des risques pour le Baudelaire, et vous vendrez le Virgile plus de trois fois ce que vous nous en donnez. Voyez-vous, Monsieur Perruchot, tout le monde vieillit, et il n’est pas sûr qu’aujourd’hui vous trouviez encore de petits brigands qui lisent le grec et le latin dans le texte, ou qui reconnaissent du premier coup d’œil la fonte qui a servi à typographier vos trésors… »
Le libraire manque de s’étouffer dans l’Armagnac et le sang lui monte au visage. Tout rouge, il reste pourtant calme dans sa colère et maugrée entre ses dents :
« Jeune petit con ! Je vais te casser ta binette de blanc-bec et tes lunettes de minable prof de lettres mortes !
« Essayez. Essayez, cher Monsieur Perruchot. Imaginez ce que cela donnera. Un dimanche à l’Hôtel de la Poste… Monsieur Vuillemin qui appellera la gendarmerie… À côté des ces hobereaux qui boivent leur café… Imaginez aussi ce que Séraphin et moi pourrions raconter… Vous vous souvenez de l’exemplaire du Mitsou de Balthus, de chez la comtesse de Rola ? C’est juste un exemple… Parmi tant d’autres… Et la bibliothèque de la comtesse de Wignacourt ? C’était juste à côté, n’est-il pas vrai ? Ajoutez donc deux billets, Monsieur Perruchot, ce n’est pas cher payé pour ce qu’on fait pour vos affaires… »
Les deux billets sortent, s’ajoutent à ceux qui sont déjà sortis et passent dans la main de Gabriel qui empoigne sa sacoche et s’empresse de quitter l’établissement. Une fois n’est pas coutume, il n’aura pas salué Monsieur Vuillemin, qui est décidément charmant.

Une fois dehors, le professeur retrouve ses rêves de voyage… Et l’Argentine ? Buenos Aires ? Le tango et le métissage qui doivent donner bien de la beauté aux gens… Oui, pourquoi pas ? On dit qu’il y a beaucoup de francophiles en Argentine ; peut-être qu’il pourrait donner quelques cours…
Mais le temps semble se gâter et ce n’est pas avec les cinq cents euros qu’il doit partager avec Séraphin lors du prochain rendez-vous qu’il paierait ne serait-ce que son aller à Buenos Aires…
Pour l’instant, il est possible qu’il prenne la pluie en allant à la gare, où il pourra s’abriter sur l’exèdre sous l’auvent. Il est très en avance, c’est sûr, pour le 18h30 du dimanche, mais il a un livre de poche dans sa sacoche…
En descendant l’avenue, il prend le temps de regarder les jardins où la rhubarbe profite, les petits pavillons et les maisons bourgeoises.
Il est 16 heures pile quand il arrive à la gare. Gabriel Courtois, professeur de latin-grec, est en avance et s’installe sur le banc. Il sort son bouquin – un livre de poche en soldes soldés. Il ne pleut pas encore.
Deux garçons jouent au rugby dans un jardin adjacent au quai.

Cette nouvelle a été écrite lors de l'atelier d'écriture de Saulieu.



vendredi 30 juillet 2010

Extrait de la charte des UEEH 2010

Les UEEH (Universités d'Eté Euroméditerranéennes des Homosexualités voir Historique) sont une semaine d'ateliers et d'activités en non mixité LGBTIQ, qui ont lieu en juillet à Marseille, depuis leur création en 1979.
" Les UEEH ne fédèrent pas, elles n'initient pas, elles coordonnent, mettent en relation et créent un espace libre d'échange et de création par le biais de projets qui [lui] sont envoyés. Nous sommes un lieu où chacunE peut exprimer son désir, le partager ou simplement participer en donnant ce qu'elle désire injecter pour que cette semaine soit une représentation de notre richesse, de notre potentiel. Un lieu mixte où être ensemble se fait ensemble ! "

http://www.ueeh.org/

dimanche 20 juin 2010

Atelier

Atelier d’écriture

Les territoires de Jean Genet

Saulieu

31 juillet – 1er août 2010

Atelier nomade et vagabond : construire une histoire, ou une non-histoire en se promenant en des lieux divers, à partir d’évocations de Jean Genet.

Animé par Alexis Garandeau. Inscription à la bibliothèque de Saulieu (21) : 03 80 64 18 34

vendredi 18 juin 2010

Bibliographie - 6 - Mots divers et d'autres lieux ~ Journal d'hiver


Mots divers et d'autres lieux

Journal d'hiver 2009-2010, Alexis Garandeau
en réponse à celui de Danielle Maurel (2008-2009) :
90' de silence.


Journal d'hiver d'Alexis Garandeau, publié sous forme de Poster 84,1 × 118,9 cm (A0), printemps 2010. Éditions La Pierre qui Roule. Conception et réalisation graphique : Yann Montigné / à hauteur d'x. Cinquante-deux exemplaires hors commerce.



mercredi 9 juin 2010

Marathon créatif et festif


Le collectif des (h)auteurs a organisé un "marathon créatif" : de vendredi minuit à samedi minuit, auteurs, musiciens et photographes ont travaillé à partir d'une contrainte (mot / phrase / photo) tirée au hasard. Chacun a restitué son travail le dimanche.
Suit Le personnage qui renoue le lacet de sa chaussure, que j'y ai proposé.


Le personnage qui renoue le lacet de sa chaussure



Si vous aviez été, un vendredi de mai, à 17h56, sur le parking de Sakinata Company, vous auriez vu un homme, un peu ébouriffé, vêtu d’une veste et d’un jeans noirs, les manches de son pull beige foncé remontées sur celles de la veste noire, en train de se pencher sur la terre… pour renouer le lacet de sa chaussure droite.
Vous pouvez douter de l’exactitude de ce fait, précis mais néanmoins anodin, et loin d’être remarquable, parce que vous pensez que je suis le seul à le relater.
« L’écrivain, dites-vous, a droit à toutes les fantaisies. Il suffit de le savoir pour se rappeler qu’il conduit son imagination à produire un résultat qu’il soumet à notre jugement.
_ Non, vous répondrai-je. Non. Car il y a une photographie. Cet instant très précis et cependant anodin a été aussi remarqué par quelqu’un qui en atteste l’existence passée : un photographe.
Peut-être n’auriez-vous pas remarqué ce moment si vous aviez été, ce vendredi-là, à cette heure-là, en ce lieu-là ; mais si vous aviez observé cet homme, à cet instant-là, et sa façon de relever la tête vers le ciel après avoir relacé sa chaussure – ce que le photographe n’a pas su capter, vous auriez compris que tout s’était joué à ce moment précis.
Vous avez le droit de me penser comme un simple bonimenteur, mais je trouverais ça exagéré, surtout si vous continuez à lire cette histoire, que je raconte par la fin :
Etienne Seux s’était penché vers la terre, avait renoué son lacet, avait relevé la tête vers le ciel et tout s’était joué dans ce mouvement.

Etienne Seux avait passé une partie de la nuit à danser au Shanghaï. Il avait croisé quelques amis et s’était bien amusé, et n’était pas rentré trop tard, mais ce n’était de toutes façons pas grave, car il ne travaillait qu’à dix heures le vendredi. C’était quelque chose qu’il avait dealé avec Stéphanie, la dir com : il travaillait alors jusqu’à 19 heures. Cela arrangeait aussi Stéphanie pour boucler la publication du week-end qui partait à l’imprimerie à 20 heures. Etienne pouvait donc sortir le jeudi soir, ou faire des choses pour la colocation le vendredi matin.
Etienne Seux s’était donc couché, ravi de sa soirée, et assuré de pouvoir dormir un peu le lendemain matin.
Mais au réveil, Etienne Seux se sentait de très mauvaise composition. Il se sentait fatigué et mélancolique. Pendant la nuit, de gros nuages gris et ronds s’étaient amoncelés dans sa cervelle. Avant même d’ouvrir les yeux, il se sentit le regard noir et désespéré. Il se regarda dans la glace et put vérifier qu’il valait mieux éviter de le faire quand on était désespéré.
Il jeta un œil par la fenêtre pour voir le temps qu’il faisait : sombre et gris, il pleuvait à verse. Etienne se dit que c’était un temps de merde, et qu’il était aussi simple d’ouvrir la fenêtre, de prendre appui sur la balustrade, de mettre un pied sur le rebord et de se laisser tomber dans le vide.
Une compagnie de pigeons traversa le ciel dans une grande courbe et une feuille d’érable s’accrocha un instant au linge étendu en face. En bas, dans la rue, quelqu’un marchait sous un parapluie jaune et disparut.
Etienne prépara du café, fit sa toilette, remplit un bol de céréales et y versa du lait. Tout lui était pénible, vain et douloureux.
Il prit son petit-déjeuner en silence, sans la radio qu’il mettait d’habitude, doucement parce que ses colocataires, Lofti et Eva, dormaient encore.
Il n’arriva pas à finir son bol de céréales, et cela lui fit monter les larmes aux yeux. Il se resservit du café et alluma une cigarette d’une main mal assurée. Il se rappela qu’il devait acheter une courroie pour remplacer celle de la machine à laver, et cela le clama un peu. Après avoir terminé sa cigarette, il s’habilla pour sortir.
Il finit par trouver le magasin, tout en pestant parce qu’il n’avait noté l’adresse nulle part. Une fois devant le vendeur, il s’aperçut qu’il n’avait pas emporté le modèle de la courroie, ni noté la référence. Il se trouvait ridicule d’être sorti sans avoir vérifié qu’il avait tout emporté.
Si ce n’était pas déjà le cas, Etienne Seux commença à se détester.

En sortant du magasin, il vérifia qu’il avait le temps de boire un café avant d’aller au bureau. « Cela me réveillera et me mettra dans une meilleure humeur. » Le café était dégueulasse et la serveuse avait mal dormi, ce qui ne lui permettait pas d’être avenante comme d’habitude.
Quand Etienne Seux entra dans les locaux de Sakinata Company, il avait la démarche d’un condamné à mort. Il se dirigea vers son bureau sans saluer ses collègues. Il n’avait envie de rien, mais surtout pas d’être ici.
Je ne m’attarderai pas sur la journée de bureau d’Etienne : le travail salarié, routinier et mesquin, est souvent ennuyeux. Il y aurait pourtant un roman à écrire sur les incroyables luttes de pouvoir, sur les intrigues extraordinaires et les sentiments exacerbés qui ont cours dans l’entreprise.
Je noterai seulement que Pauline, la secrétaire générale, était particulièrement sympathique à l’égard d’Etienne, et lui proposa même de déjeuner avec elle, alors que la directrice de la communication, Stéphanie, faisait preuve de plus d’autorité que nécessaire. Elle lui reprocha encore de n’avoir pas bouclé à temps les deux derniers catalogues qu’on lui avait confiés. Elle annonça d’ailleurs à Etienne que le directeur souhaitait le voir à 17 heures.
« Bonne ou mauvaise nouvelle ? Sois prêt, se dit Etienne. En tous les cas, cette journée est merdique. »

Pauline et Etienne allèrent déjeuner chez Oscar. Etienne commanda un steak tartare parce qu’il en avait diablement envie. Mais la viande n’était pas fraîche et il y toucha à peine. Pauline essayait d’animer la conversation :
« J’ai envie de changer de job. Tu ferais quoi, toi, si tu quittais le bureau ? Et si tu pouvais changer de vie, tu préfèrerais quoi ? »
Mais Etienne n’était pas d’humeur à faire des châteaux en Espagne. Il pensait à la courroie de machine à laver (il faudrait y retourner lundi), au brocoli surgelé qu’il fallait manger avant la date de péremption, au livre qu’il n’arrivait pas à finir… A Bruno et Patricia qu’il n’avait toujours pas rappelés. A sa mère, aussi, qu’il n’avait pas appelé depuis longtemps. Mais pour lui dire quoi ? En un mot, il se sentait lamentable.
Pauline mettait beaucoup de bonne volonté à détendre l’atmosphère. Pour ne pas lui être désagréable, Etienne finit par réussir à lui sourire pâlement.

L’après-midi au bureau fut de la même teneur que la matinée. Je ne m’y attarderai pas plus. A 17 heures et quelques, le directeur fit entrer Etienne dans son bureau, avec Stéphanie et pauline. Etienne, assis seul devant les trois autres, eut tout de suite l’impression d’être mis sur la sellette.
Le directeur prit une mine ennuyée et sévère pour dire que ça n’allait pas du tout, et faire un discours sur les travaux pas fignolés ou en retard. Quand il ajouta qu’Etienne leur avait perdre deux clients ces trois derniers mois, Stéphanie éclata de colère en ramenant encore ces histoires sur le tapis, disant que c’était inadmissible d’être aussi peu professionnel.
« La première fois, Appoline avait la varicelle et j’ai dû partir la garder. La seconde, c’est le client qui a fait de lourdes corrections après l’heure limite qu’il avait lui-même fixée », pensa Etienne, découragé que ces raisons déjà formulées devant le directeur avec ses excuses, n’avaient pas été prises en compte. De toute façon, quand Stéphanie était énervée, cela ne servait à rien de se justifier.
Pauline n’avait pas l’air de cautionner la mise au point dont Etienne faisait l’objet, mais ne pouvait pas vraiment le soutenir non plus. Le ton de Stéphanie n’avait que monter.
« Elle ressemble à la Reine de Coeur dans Alice au Pays des Merveilles, quand elle hurle : qu’on lui coupe la tête ! Qu’on lui coupe la tête ! »
Etienne fut sorti de ses pensées par les cris de Stéphanie : « Qu’on me débarrasse de cet incapable ! » et par le directeur qui disait : « En effet, Etienne, vous nous quitterez à la fin du mois.
_ Je… Je ne me sens pas bien, je ne me sens pas très bien depuis ce matin. Je… Je crois que je vais rentrer. »
C’est tout ce qu’Etienne parvint à répondre avant de se lever et de quitter le bureau. Pauline avait l’air consterné, le directeur exaspéré et Stéphanie, rouge de colère, continuait à hurler : « Quel crétin, mais quel crétin fini ! »
Etienne, lui, se sentait lamentable et pitoyable, encore plus désespéré que le matin.

Il sortit des locaux de Sakinata Company et se retrouva sur le parking. Il regarda sa montre ; il était 17h55. L’idée qui lui était venue le matin devant la fenêtre lui revenait en mémoire.
Alors, il s’était penché pour relacer sa chaussure droite et, en relevant la tête, il eut l’impression que le ciel s’était éclairci, que le temps s’adoucissait et devenait moins humide. Il avait cessé de pleuvoir.
C’est donc cela que vous auriez pu voir si vous aviez été là à cet instant précis.
Le nez en l’air, Etienne Seux se dit qu’il serait bientôt débarrassé de ce boulot minable, qu’il avait envie d’aller boire un verre dans un bistro où il avait des chances de croiser des amis, qu’il appellerait bien Patricia et Bruno pour leur proposer un cinéma, et qu’il inviterait volontiers du monde à la coloc pour manger un gratin de brocoli.

Une fois debout, Etienne Seux trouvait que la vie était belle.
Il prit une grande inspiration, enfonça ses mains dans les poches de son pantalon, et se mit à marcher.

Alexis Garandeau
Marathon Saint-Julien-Molin-Molette
Les ╠h╣auteurs
Mai 2010


dimanche 25 avril 2010

Saint-Chamond 05/04

Saint-Chamond, 5 avril 2010

En entrant dans Saint-Chamond, c’est l’étrange et grise gendarmerie massive, et un panneau publicitaire m’accroche l’œil : Mutuelles présence. Paradoxal slogan pour une ville qui se vide de ses industries et dont la plupart des ouvriers assurés de leur emploi ne le sont plus. La place de la Liberté est plus animée que je ne l’aurais imaginée pour un lundi férié. Le temps est changeant mais il y a de belles éclaircies dans la matinée. De cette place centrale, la ville semble faite de gens qui se connaissent, qui se saluent, qui boivent un café ensemble, et qui blaguent. Saint-Chamond, active et solidaire. C’est le titre que se donne la ville.
Les autres arrivent, me saluent, s’assoient pour qu’on boive un café ensemble et blaguent. En somme, il semble que nous soyons chez nous ici.

Nous allons vers « le site », ces hangars industriels petit à petit vidés. Il y a encore une entreprise qui marche. Le site est entouré de barrières, mais ouvert à un endroit. Les grands hangars et ateliers, hautes halles imposant leur présence, offrent ce spectacle maintenant connu d’une architecture industrielle du début du vingtième siècle, délabrée et rouillée mais toujours belle quoi qu’abandonnée aux corneilles.

Les ateliers se vident de leurs activités et de leurs présences humaines. Partout de grandes et belles halles vides. Dont on ne fait rien pour l’instant. C’est très beau et c’est poignant parce que les signes de vie restent :
Transport Chenet
Pour toute visite
dans le dépôt vous êtes priés
de passer par les bureaux
Les bureaux sont vides aussi, l’immense immeuble étagé de l’administration de Siemens ne sert à rien, tout comme le resto d’entreprise indiqué.
A Saint-Chamond, active et solidaire, c’est la semaine du développement durable. Il y a une affiche annonçant les manifestations liées à cette semaine.

On tombe sur un type qui en reconnaît certains d’entre nous, on se salue, mais l’ambiance est tendue : il nous parle des vols, des trafics de drogue ici la nuit – j’ai l’impression qu’on parle aujourd’hui d’insécurité comme on parle du temps qu’il fait – , des dernières entreprises qui ferment. Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces ateliers ?
_ C’est maintenant que tout ce qui se passe se passe ?
_ Je ne comprends pas.
_ Vous ne comprenez pas ma question ?
_ Je ne comprends pas ce qui se passe.
Certains ateliers sont délocalisés en Roumanie. Les ouvriers d’ici sont licenciés mais on paye quelques gars pour faire les allers-retours. Plus rentable à ce qu’il paraît. C’est sûr que ça paraît aberrant mais les informations sont confuses. Finalement les ateliers seraient rapatriés en France. On ne sait pas, on ne sait pas pourquoi.
Mais le gars se détend et nous aussi. Finalement, on discute.
De voyages. « Ce qu’ils ont fait des docks de Liverpool, c’est magnifique. Des activités culturelles. C’est ça qu’on devrait faire ici. »
De Saint-Chamond. « J’aime bien ma ville mais j’aime pas comment ça a changé. »
Il nous demande quel travail on fait. « Il y avait des milliers de gens qui travaillaient ici, c’était une rûche. »
De l’échec de la démocratie.
Il y a parfois comme de l’émotion : « Du cimetière Saint-Martin, vous dites qu’il y a une belle vue du site ? Vous avez peut-être raison. »
Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces hangars ?
On ne sait pas, on ne sait pas pourquoi. On ne pourra pas rentrer dans la halle où il bricole.
« Vous reviendrez un jour ouvrable. Avant que ça ferme ! »

Il y a, entre deux halles, un graff coloré, un seul, qui dit que le lieu n’est pas mort mais déjà réinvesti d’autre chose, d’autres présences : I don’t know whaï. Quelqu’un qui a tout compris et a su écrire seulement ce que tout le monde pense. Pour moi, c’est souvent cela, le graff délivrant un message (souvent politique ?) : pertinent dans son temps, dans son lieu, une poétique de l’ici et maintenant.

La Braderie 2001, dans la rue qui nous ramène à la place de la Liberté, est fermée depuis belle lurette. Elle n’aura pas survécu aux années 10, à moins qu’elle ait fermé avant… Quant à la Liberté…Les cafés ont fermé et la place est vide.

jeudi 18 mars 2010

Ne pas comprendre

Il y a plusieurs façons de ne pas comprendre quelque chose,
Revue remue.net

la façon dont "ne pas comprendre" devient un élément constitutif et déterminant de la recherche du sens

jeudi 11 mars 2010

Ateliers Ponsard : le film "Avant démolition"


Illustration : NoscA, La normalité est un fantasme
feuilletage papier / L.3 x l.21 x P.2,5 cm / 2009


Le court-métrage de Joan Folch-Poblet Avant démolition, tourné en 2009 aux ateliers Ponsard et réalisé en 2010, sur une musique de NoscA et un texte d'Alexis Garandeau, lu par Fred Helle est visible sur Internet ! Cliquer ici.
Fiche technique du film

Voir aussi : Actualités résolues

Un temps à Ponsard et Atelier-bureau : 22 bis rue Ponsard

mercredi 3 mars 2010

Une journée extraordinaire


29 janvier 10 • Une journée ordinaire côté cour
Lever vers 8 heures. Il semble, quand je sors de l’étage des chambre par l’escalier extérieur pour aller dans la grande salle, qu’il fasse moins froid : zéro. Petit-déjeuner avec F. et la radio. Commentaires. Allumer le poêle du premier coup. Ressortir et remonter l’escalier extérieur pour aller au bureau, traiter les courriels (des nouvelles des passeurs, de l’imprimeur, de Grenoble, de Liernais, de Hong Kong, d’Irak), je tente d’appeler un graphiste avec qui j’aimerais travailler. K. passe, on discute, on lit les articles sur le procès des sans-papiers de Vincennes. Je redescends mettre une bûche, le téléphone sonne, des nouvelles de T., je donne le message à F. qui repart à Lyon. Faire la vaisselle de la veille en surveillant le feu. Manger en vitesse (il reste du minestrone partagé hier avec A. et C. : épeautre, carottes, haricots, poireaux et nos fameuses pommes de terre). Prendre une douche et remonter m’habiller vraiment, plus chaudement (ouf !). Fumer une cigarette et rédiger deux lettres (une administrative, une amicale – il me faudra une photocopie). La lettre administrative me donne envie de faire la sieste. Au réveil, il est difficile de sortir de sous la couette (12° dans les chambres) mais je m’habille et je descends au village. Bureau de tabac, photocopie, poste, boulangerie. Maintenant je monte bien la côte et je rentre réchauffé. Je regarde un documentaire sur Comment l’imagerie occidentale et Hollywood en particulier diabolisent les Arabes. Dîner avec F., N. et A. dans la grande salle. Je reste passer la soirée près du poêle, à lire et préparer mes cours, et à me rappeler que je suis en retard pour les réponses des courriers de M. et S. Je monte me coucher, allume le candélabre, grimpe dans un lit très haut et souffle les bougies.

1er mars 2010 • La cuisson du biscuit
Si quelqu’un était venu se promener du côté de Taillis Vert, hier au soir, il aurait vu deux ou trois personnes s’activer autour du foyer du four du potier. Nous y avons passé la nuit, Y. et moi, à entretenir le feu ; la pleine lune sous les nuages les transformait soit en lac, soit en fleuve ; à trois heures, les oies, curieuses, puis les brebis, sont venues nous regarder. Puis nous avons vu l’aube, puis le jour, puis j’ai dormi un peu, et le potier est venu nous relayer à neuf heures pour continuer la cuisson. Je suis allé me coucher, me suis réveillé pour faire à manger et porter un plateau au four, et je suis retourné dans ma chambre me reposer. 16h43. Je commence la lecture de Fou de Vincent, de Guibert, commandé à la Hulotte et ramené d’Annonay dans un sachet en kraft. Voilà longtemps que je n’avais pas lu un livre non massicoté, avec ce plaisir de la découpe des feuillets avec un coupe-papier (un couteau Laguiolle) qui rythme la lecture. Puis je me dis que ce livre (je ne l’ai jamais vu directement disponible sur des rayons) est livré non découronné pour respecter la censure de la morale : être sûr que le lecteur de ces pages qui commencent avec un suicide, puis assez vite érotiques, l’a payé. Ou volé, me rassuré-je. J’écris ces quelques lignes. Rien que cela (la lecture et l’écriture) aurait suffi à combler ma journée.
Mais si un ou une promeneuse avait voulu profiter de la nuit ce soir même (car la journée n’est pas finie), c’est d’un feu gigantesque, à plus de mille degrés, dont les deux ou trois personnes s’occupaient ; ils ouvraient régulièrement la bouche du foyer, pures lumière et chaleur, pour la nourrir de bois. Une fournaise contenue dans ce gros four en terre, à deux chambres : un monstre vivant, rougeoyant, bombinant, crépitant, grondant. L’éclat du four aurait projeté jusqu’au chemin des promeneurs une lumière chaude et vive en contraste avec la blancheur froide de la lune.
A minuit, la température souhaitée était atteinte pour cuire le biscuit, le potier a scellé la porte du four, a bouché toutes les ouvertures, pour laisser infuser cette chaleur vive pendant trois jours. Nous sommes remontés à la maison -J’en avais les larmes aux yeux. -, épuisés, et les voisins de la petite maison se sont annoncés pour un petit concert : voilà une contrebasse, deux guitares et un accordéon qui débarquent avec leurs chanteurs pour un impromptu offert pour cette journée extraordinaire.

31 mars 10 • Une journée intra-ordinaire
Lever vers 8 heures. Petit-déjeuner, six tartines, s’occuper de la basse-cour : sept œufs dont un de l’Oie – il fait froid. Travail dans ma chambre, finalisation d’un texte envoyé ensuite par courriel, que je confie à Yann Montigné pour le mettre en page. Descendre au village acheter du tabac – ou il fait froid, ou je suis trop peu habillé. Relever le courrier et l’apporter chez N. la voisine, où je me fais inviter à déjeuner avec F. et A. Préparer mes affaires pour les deux cours de l’après-midi. Avant de rentrer, passer à la bibliothèque de Bourg-Argental, y prendre de la poésie et des films (Beautiful Boxer et L’Enfer d’Ethan). Rentrer à la maison, faire un peu d’Internet, fumer une cigarette, s’occuper du compost. Remonter dans ma chambre et y écrire un peu (bonne dynamique), C. passe me dire que Am. est chez J. et F. et qu’elle peut nous parler du réseau Repas et des compagnonEs, j’y retrouve Al. et N., réunion > on discute, on mange des pâtes. Je remonte au bureau pour passer un coup de fil. Et je rentre dans ma chambre pour écrire.



C’est quoi une journée ordinaire et une journée extraordinaire ?
C'est quoi la différence ?

vendredi 12 février 2010

Labeur

Broderies




Quand on perd le fil, quand on ne connait pas le motif général, il faut broder. Broder autour.


jeudi 4 février 2010

Une journée au bois

Belles journées, froides et sèches comme les branches à brûler
Soleil dans un ciel minéral : un granit finement glacé,
celui de la colline sombre en ombre chinoise
Je regarde par la fenêtre la trace d'un avion encadré
Depuis quelques semaines, les oiseaux se sont remis à chanter.

(j'aime le son des bûches qui craquent sous la hache ou le merlin et les coins qui sonnent sous les coups de masse : des sons secs et tintants, presque printanniers)

lundi 25 janvier 2010

samedi 9 janvier 2010

Actualités résolues


Les conventions exigent un rituel de vœux en cette année qui commence. Ayant passé de l’année 2009 à 2010 auprès d’un feu de camp où nous avons brûlé de petites phrases écrites sur papier, je tiens à vous souhaiter de la persévérance et de la résistance, de la joie et des joies, et vous espère résolus dans vos actes, vos croyances, vos projets.
Je suis resté silencieux ces temps-ci, travaillant sur divers projets au plus long cours...
L’édition me tient toujours à cœur, et plusieurs envies sont là, autour de textes poétiques de deux auteurs.

Le film sur les ateliers Ponsard à Grenoble, quittés en novembre, où sera lu en voix off un texte que j’ai écrit, sera projeté en privé début février, avant, je l’espère, d’être visible sur la Toile.
Un travail en cours de « générateur de textes aléatoires basé sur de la musique » me passionne, me donne des contraintes d’écriture inédites, et des perspectives alternatives de monstration. Ce prendrait en effet la forme de projections lors de concert, ou de performances vidéo/son/textes…


Enfin, si la réécriture de Mitsou est mise en jachère, je reviens – avec plaisir et une sorte de soulagement – à des textes plus narratifs, de petites nouvelles très diverses de tons, de thème et de forme. Après la courte nouvelle Actualiser (Le Carnet bleu), j’évolue ces temps-ci chez des flibustiers et des mauvais garçons dans le milieu bohême des années 30…
Et je travaille sur Mots d'Hiver et d'autres lieux, écrit à Taillis Vert mais surtout ailleurs... On m'a offert quantité de beau papier en cahiers agrafés ou reliés. C'est à se demander si les gens se rendent compte du temps qu'il faut pour écrire !