vendredi 25 juillet 2008

Entre Chien et Loup

C'est sur la série de photographies Entre Chien et loup que j'ai travaillé (et que je travaille encore) à un texte du même nom. Une idée de livre nous tient à coeur, le photographe et moi, et reste un projet d'actualité. Nous y travaillerons en septembre dans l'espoir de le publier avant Noël. Voici un extrait :

"
Regarde la fin du jour : la lumière s'obscurcit, mais la nuit ne vient toujours pas.
Le jour tombe. La nuit tombe.
Lequel des deux tombe, en effet ?
Le quel des deux tombe en premier ? Pourtant la nuit ne vient pas. Elle ne vient jamais, d'ailleurs : la nuit surgit. Et avant qu'elle ne surgisse : la ville flotte, la campagne respire.
Dans le clair obscur de l'heure silencieuse (Petr Kral), tout ce qui était enfoui sous la clameur du jour remonte à la surface.
Lumière incertaine. Entre deux, jour-nuit. Pause. Entre les deux se faufilent l'anxiété et ses questions.
Rien de tragique : pas d'effroi, ni d'angoisse. Seulement un doute : et demain ?
Pourquoi cette feuille
Ni plus jaune ni plus verte que les autres
Est-elle tombée de l'arbre ?
Abdellatif Laâbi

Une attente au bord de soir soi-même, un doute vaguement disloquant.
De petites questions entêtantes. Et demain ?
Demain pour moi sera-t-il vivant ?
"

jeudi 17 juillet 2008

Citation

Je me demande si écrire, ce n'est pas approcher lentement.

André Dhôtel

mercredi 16 juillet 2008

Reflet

Réveillé par le lever du soleil ce matin, j'étais donc sur mon vélo à 6h30 à la recherche d'un café ouvert en ville. Grenoble se lève tard ; il est vrai que le soleil y entre assez tard aussi. ce n'est donc que vers la halle que j'ai trouvé une terrasse m'accueillant à bras ouverts ; vous me direz que c'est assez logique. Et, une fois installé devant un café double et un pain au chocolat, je m'amusai à regarder les reflets dans les tramways qui passent entre le bistro et le marché.
Impossible de repérer mon propre reflet !
Il a fallu que des messieurs de la halle s'asseyent à la table d'à côté pour le faire exister...

lundi 14 juillet 2008

Logo Kinoa


Voici le logo choisi par Kinoa, entreprise d'import-export de produits bio à Hong Kong, entre plusieurs de mes propositions. L'idée était de traduire, par des couleurs actuelles et par l'idée d'une graine germée, le souci écologique de cette entreprise.
Pour tout savoir sur Kinoa Shop, cliquez ici.

jeudi 10 juillet 2008

Un léger écart

Lors de l'atelier d'écriture Un léger écart

Poème fondu

A partir d'un poème, écrire un poème "fondu" (qui utilise uniquement le matériau du texte de départ, mais pour écrire un texte bien plus court).

A partir de Le Crépuscule du matin, Charles Baudelaire


Le vent tord lentement l’aurore déserte.

C’était l’heure où le sombre vieillard soufflait sur les lanternes rouges, essaim en sang.

C’était l’heure où les bruns adolescents, maigres et stupides, commençaient à fumer sous le poids de rêves de femmes de plaisir, en robe rose et verte, qui s’enfuient.

Dans les cours des casernes, s’aggravent les débauchés écumeux traînant, las, leurs travaux inégaux.

Comme la bouche ouverte qui palpite, les bruns adolescents, la paupière livide, soufflaient sous le poids du corps qui se tord, brisés par leurs travaux, un dernier râle.

Une tache sur l’oreiller.

mercredi 9 juillet 2008

Hervé Guibert

Extraits du Mausolée des amants - Journal 1976-1991

Je n'ai plus cette hantise de ne plus pouvoir écrire, car je m'aperçois que, depuis presque dix ans, je ne fais qu'écrire ; et les périodes sans écriture ne sont pas moins fertiles, pour l'écriture, que les périodes d'écriture.

(...) Ainsi moi-même (sans me comparer à Goethe ou à Kafka), mais en qualité d'écrivant, d'homme relativement dévoué à l'écriture, je pourrais imaginer que ce que j'ai pu faire de cette écriture, tant bien que mal, sera un jour assimilé par un autre corps favorable, qui l'apportera plus loin (je suis par avance amoureux de ce corps-là), il y aurait dans l'écriture un fantasme d'insémination, d'enfantement : mettre vingt ans après sa mort, un siècle après sa mort, un fantasme d'écriture dans un corps étranger.

Ecrire avec des mots purs.

" Quand écrivez-vous ?
- Pas tout le temps.
- Alors vous n'êtes pas écrivain ?
- Je suis écrivain comme l'animal venimeux pique de temps à autre, quand on le provoque, quand on lui marche dessus, quand on l'attire. Le venin peut être un suc amoureux."

La fin du livre que je m'apprête à détruire : " Moi qui avais toujours cru, à la fin de chaque livre écrit, que ce serait le dernier, qu'il ne pourrait plus y en avoir ensuite, je compris que j'avais davantage de livres devant moi que derrière moi, même si ce n'était plus moi qui les écrirais, que j'étais à peine rendu au milieu de mon parcours, même si c'était un autre qui les poursuivait."

(Vivre avec un livre, même quand on ne l'écrit pas, est tout à fait merveilleux.)




Exercice (2)

Lors de l'atelier d'écriture Un léger écart

Reconstruction : à partir de fragments romanesques récoltés, construire un texte cohérent.

Je l’ai prise par le coude pour la guider vers le canapé. Elle a brandi son carnet et j’ai vu qu’il ne lui restait que quelques pages. cela avait l’air d’être important pour elle, et elle était contente. Je lui ai souri. Mais je ne lui ai rien dit, et elle ne m’a rien demandé. Elle ne me demandait jamais rien.
D’autant que je n’avais pas assisté à la présentation du carnet, c’est Pauline, Olivier et Lucas qui me l’ont raconté, après coup. Moi, très vite, comme d’habitude, j’en avais eu marre de cette fête et de son vacarme. Je m’étais éloigné discrètement, en prenant la petite route des éoliennes, puis un chemin à droite dans les bois. Je savais, bien sûr, qu’ils allaient me rejoindre. C’est Lucas qui est arrivé d’abord vers le pont où j’attendais. Puis Olivier. Pauline est venue ensuite, s’annonçant par un :
« ça glisse ? »
Aucun de nous n’avait répondu. C’était ce soir-là où le carnet a été commencé, ou en tous cas, où il est apparu.
C’est bizarre, d’ailleurs, j’ai retrouvé une lettre que je lui avais écrite, à elle, avant qu’elle ne commence son carnet. Je lui disais :
Je me souviens. Vous passiez vos journées à de petits travaux : balayer la maison, transporter du charbon, coller du papier aux fenêtres, faire des petits rangements, réparer avec des clous des tables et des chaises. J’aurais dû vous aider dans ces tâches, d’autant que j’étais bon bricoleur. Mais vous ne me demandiez jamais rien.
Cette lettre n’est jamais partie. Quant au carnet… J’y pense parfois. J’y pense aujourd’hui, alors qu’il fait soleil dans mon jardin. Jardin sans bruit au moment où je m’assieds, sensation prenante de solitude heureuse. Jardin d’oiseaux silencieux qui passent, se posent et s’envolent autour de moi. Jardin de fleurs silencieuses qui parlent par la couleur, les formes et leurs réponses changeantes aux souffles du vent.
Elle aussi aimait le soleil. Non, elle était le soleil, celui de cette parole qui débusquait le monde dans ses moindres détails et nous le servait chaud…
Quand elle mourut, nous ne savions rien.
Chacun de nous quatre, à sa pauvre manière, s’efforça dans sa vie, de continue à ne pas savoir.

lundi 7 juillet 2008

Exercice d'écriture

Lors de l'atelier d'écriture Un léger écart
Exercice : avec une phrase d'incipit donnée, écrire sur une contrainte tirée au sort.
En l'occurrence, la contrainte tirée au sort était : Écrire avec des rimes en U

Je croyais qu'il faisait encore nuit, moi qui connaissait pourtant par coeur le bonheur de sortir la nuit ; l'urgence de lever les voiles dégoûtantes des peurs bleues, des peurs sombrement bleues.
Apparemment le temps n'était plus :
Sans que je m'en aperçoive, le soleil avait paru
Et illuminait, glorieux, le paysage givré et nu.
Plus moyen de sortir sous la Lune ventrue,
Pour ôter les voiles du petit chemin chenu...
Espérons que, malgré mon retard malvenu,
Aucune des peurs sombres et bleues ne soit vue
D'un promeneur, égaré et perdu,
Qui, brusquement hagard, éperdu,
Croirait fermement avoir la berlue
Et pourrait chuter dans le ravin pentu.
Un accident fatal qui me ferait manger tout cru
Par le patron qui me jetterait à la rue !
C'est vrai que ce poste, je m'y suis plu.
Mais, débarrassé de ce patron dodu,
Je partirais, à l'aventure, sur des terres inconnues,
Et au gré de folles navigations à vue,
Observer dahus et tortues.
Ah si j'étais parti, je serais pas prêt d'être revenu !

Difficile est l'art de la parole