mercredi 9 juillet 2008

Exercice (2)

Lors de l'atelier d'écriture Un léger écart

Reconstruction : à partir de fragments romanesques récoltés, construire un texte cohérent.

Je l’ai prise par le coude pour la guider vers le canapé. Elle a brandi son carnet et j’ai vu qu’il ne lui restait que quelques pages. cela avait l’air d’être important pour elle, et elle était contente. Je lui ai souri. Mais je ne lui ai rien dit, et elle ne m’a rien demandé. Elle ne me demandait jamais rien.
D’autant que je n’avais pas assisté à la présentation du carnet, c’est Pauline, Olivier et Lucas qui me l’ont raconté, après coup. Moi, très vite, comme d’habitude, j’en avais eu marre de cette fête et de son vacarme. Je m’étais éloigné discrètement, en prenant la petite route des éoliennes, puis un chemin à droite dans les bois. Je savais, bien sûr, qu’ils allaient me rejoindre. C’est Lucas qui est arrivé d’abord vers le pont où j’attendais. Puis Olivier. Pauline est venue ensuite, s’annonçant par un :
« ça glisse ? »
Aucun de nous n’avait répondu. C’était ce soir-là où le carnet a été commencé, ou en tous cas, où il est apparu.
C’est bizarre, d’ailleurs, j’ai retrouvé une lettre que je lui avais écrite, à elle, avant qu’elle ne commence son carnet. Je lui disais :
Je me souviens. Vous passiez vos journées à de petits travaux : balayer la maison, transporter du charbon, coller du papier aux fenêtres, faire des petits rangements, réparer avec des clous des tables et des chaises. J’aurais dû vous aider dans ces tâches, d’autant que j’étais bon bricoleur. Mais vous ne me demandiez jamais rien.
Cette lettre n’est jamais partie. Quant au carnet… J’y pense parfois. J’y pense aujourd’hui, alors qu’il fait soleil dans mon jardin. Jardin sans bruit au moment où je m’assieds, sensation prenante de solitude heureuse. Jardin d’oiseaux silencieux qui passent, se posent et s’envolent autour de moi. Jardin de fleurs silencieuses qui parlent par la couleur, les formes et leurs réponses changeantes aux souffles du vent.
Elle aussi aimait le soleil. Non, elle était le soleil, celui de cette parole qui débusquait le monde dans ses moindres détails et nous le servait chaud…
Quand elle mourut, nous ne savions rien.
Chacun de nous quatre, à sa pauvre manière, s’efforça dans sa vie, de continue à ne pas savoir.

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