vendredi 11 décembre 2009

Courrier

J’avais bien senti, à la lecture de sa lettre, qu’il l’avait écrite dans un moment d’agacement, de rancœur et de méfiance. Mon intuition était telle que je me suis senti énervé, offusqué, trahi, méprisé et méprisant de tant de méprisable petitesse, et que, palpitant et nerveux, j’écrivais déjà dans ma tête une réponse hautaine, acerbe et méchante pour me venger encore plus cruellement de sa rancœur et de sa méfiance.
Mais, puisque ce que je sentais était purement intuitif, qu’aucun de ses mots n’était vraiment cruel, et que mon sentiment était peut-être injuste ou paranoïaque et peu valable, j’ai voulu faire lire sa lettre à deux personnes de confiance, qui me dirent que j’étais effectivement trop susceptible ; que rien dans la lettre n’était méchant ou agressif ; qu’elle était au contraire calme, claire et limpide, objective et sans affect ; et que j’avais tort de mettre de l’émotion là où il n’y en avait pas. Pourtant, quand il m’appela pour parler de ce courrier, il m’avoua l’avoir réécrit six fois pour tempérer sa rancœur et son agressivité, mais qu’il l’avait effectivement écrit dans un moment de doute, de lassitude et de méfiance, et qu’il savait par avance que je le prendrais mal et que cette lettre me ferait souffrir, mais qu’il avait tout de même la nécessité d’exprimer ses sentiments de la sorte pour qu’ils soient entendus.

Le plus agaçant pour moi est d’avoir senti tout cela et de n’avoir pas eu suffisamment de confiance en mon intuition première, qui était pourtant juste.

1 commentaire:

Régis a dit…

Intuition juste, oui, que d'autres qui le connaissaient moins n'ont su lire ou reconnaître. Mais les meilleures réponses à la colère, et au doute, ne sont-elles pas le calme et la patience ?

"L'unique, la plus douce protection contre toutes les peurs c'est celle-là - un livre qui commence."
(Alessandro Baricco - Châteaux de la colère)