J'ai habité le lieu, modestement, pendant cinq mois, dans le cadre des résidences échelle 5 à 7. Il m'a habité, d'abord, comme une absence, quand je suis arrivé en mars, qu'il y faisait encore froid et qu'il m'a fallu m'accoutumer à l'allumage du poêle dans l'appartement où j'avais ma chambre-bureau.
Ce Brise Glace, énorme bâtiment oblong profilé sur la rue tel un bateau vitré, m'a d'abord paru comme un magnifique mausolée glacial où la figure principale était absente. Et puis, un rythme de travail et de découvertes s'est instauré, expérience que j'ai dégusté avec délectation.
Petit à petit, ce navire qui me désorientait m'est devenu un refuge, loin des fureurs du monde, où j'ai pu protéger ma pépinière de mots. De là, je partais aux bibliothèques, aux expositions, au café. Dans leur serre, loin du vent du dehors, les mots ramenés ont prospéré, les phrases se sont construites et les idées éclaircies. Ce fut un asile, dans une solitude intermittente qui m'était nécessaire.
Sans ce temps et cet espace, les Instantanés n'auraient pu être imaginés, et tout un travail de sédimentation et de maturation n'aurait pu s'accumuler dans cet humus d'où reprendra une écriture plus finale...
Et le lieu, dans son étrange absence, s'est imposé à moi : l'odeur de térébenthine des ateliers de E. et de J., le bruit des talons de M.C., l'adrénaline dans l'escalier noir, les discussions avec Louise Catherine Drève ou S., la prudence parfois voire la suspicion, parfois même le dégoût du lieu et la fuite de ses habitants.
Parfois, il y a une fête sur le toit ; le bâtiment désolé de son second déclin vibre et tremble comme un vieux homme à un mariage...
Hier j'ai rangé ma chambre-bureau, claire et blanche, n'y laissant que des cailloux de Petit Poucet, et j'ai quitté le Brise Glace.
2 commentaires:
bon vent, alors, Alexis!
Merci Cyril de tes passages réguliers et de tes petits commentaires... Je regrette de n'avoir pas eu plus le temps pour discuter la dernière fois pendant la visite... A bientôt...
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